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mercredi, janvier 31, 2007

Dimanche dernier dans le quartier Lafiabougou...

La pluie et le beau temps

Parler de la pluie et du beau temps, vous vous en douterez, n’est pas une habitude malienne. En effet, à Bamako, il fait toujours beau. Je suis au Mali depuis 4 mois maintenant, et j’ai vu la pluie tomber deux fois seulement. Et chaque fois, elle a ennuagé le ciel au maximum une heure. Peut-on se blaser du soleil ? Je ne crois pas. Je vois bien l’impact positif du soleil sur l’humeur, la mienne et celle des autres. Malgré tout, croyez-le ou non, il m’arrive d’espérer, quand le ciel saturé de poussière ressemble à un ciel nuageux, qu’une journée de pluie va bientôt arroser Bamako. Il est peut-être indécent de parler de la pluie qui me manque, quand je sais que la plupart de mes lecteurs endurent ces jours-ci des températures oscillant entre -10 et -30 degrés Celsius. Mais c’est un fait, il arrive que la pluie me manque, en partie parce qu’avec elle, la ville serait beaucoup moins poussiéreuse, en partie parce que la pluie rafraîchit l’air... Mais ce qui me manque, par-dessus tout, c’est l’une de ces journées de pluie qui pousse à la paresse, qui oblige tout le monde à se cacher à la maison, devant un film, avec un livre. La pluie, il me semble, a cette capacité d’apaiser les esprits, d’arrêter le temps un moment… N’avez-vous jamais remarqué, quand la pluie tombe après le tonnerre et quelques éclairs, que tout le monde se tait, comme si la pluie incitait au rêve, au recueillement?…



À Bamako, le calme et la tranquilité ne sont pas des mots à la mode. Il y a des matins où, quand je vois le soleil briller, il me prend des envies d’aller tranquillement boire mon café sur la terrasse, espérant écouter le chant des oiseaux, le bruit du vent qui souffle dans les feuilles des arbres. Plutôt, j’entends les enfants crier, des ballons qui frappent sur les murs, des femmes qui pilent le grain, des tailleurs ambulants qui frappent leurs ciseaux pour qu’on sache qu’ils sont là, la trompette des vendeurs de glace qui fait “pouet ! pouet!”, l’appel à la prière que l’on chante dans des haut-parleurs des mosquées. Quand les gens sortent leur tapis de prière pour se recueillir quelques minutes, ils le font dans un bruit incessant… D’ailleurs, les Maliens semblent beaucoup moins indisposés par le bruit que l’occidentale que je suis peut l’être. Le son de la télé, mélangé à la musique qui joue à tue-tête, mélangé aux conversations des gens, mélangé au cri des enfants, mélangé à l’appel à la prière, il y a rien là ! Alors qu’avec autant de bruits, je deviens rapidement à fleur de peau, les Maliens ne semblent pas s’en formaliser. C’est normal… c’est la vie quoi ! Effectivement, le bruit, c’est signe de vie… Mais arrêter le temps quelques heures, c’est possible ?... Ou alors c’est un luxe qu’on ne peut pas se payer quand on sait que l’espérance de vie dans son pays est de 48 ans à peine ?...

lundi, janvier 29, 2007

Au Mali, on mange quoi ? La suite…

J’ai parlé déjà de ce que mangent les Maliens dans la vie de tous les jours. J’ai parlé aussi des fruits, disponibles en grande quantité ici… Mais je n’ai pas parlé de ce que mangent les toubabs ! En effet, au Mali, quand on en a les moyens, il est possible de manger presque exactement ce dont on a l’habitude au Canada. Mais il faut en avoir les moyens. Parce que, d’abord, la plupart des maisons ne sont pas équipées d’un four. Alors dès le moment où vous ne pouvez pas vous payer un four, il faut éliminer toute la bouffe du genre pizzas, gâteaux, tartes, pâtés… Quand même, les boulangeries sont nombreuses en ville et il y a quelques pâtisseries. Aussi, on peut manger de la pizza dans certains restos. Quant aux gâteaux ou pâtés, on les prépare généralement dans l’huile…

Maintenant, même sans four, les toubabs peuvent trouver de la bouffe typiquement occidentale à se mettre sous la dent. Outre les nombreux restos de type toubabs, où une assiette coûte en moyenne 5000FCFA (13$CAN), il y a à Bamako quelques supermarchés, les plus connus étant La Fourmi, où j’ai l’habitude d’aller, et Azar Libre. L’un et l’autre sont presque voisins, sur la route de Koulikoro, dans le quartier Hippodrome. C’est loin de chez moi, j’y vais donc rarement, peut-être deux fois par mois. L’un et l’autre sont la propriété de Libanais, de deux groupes qui, dit-on, se font concurrence par leurs supermarchés respectifs, mais également par leurs restos respectifs, situés tout près, et voisins également.

En fait, si je vais au supermarché, c’est pour deux choses essentiellement : la viande et les céréales. Pourquoi la viande ? Parce que là-bas elle est tranchée déjà, conservée dans des frigos, et bien à l’abri des insectes. Sans le supermarché, je devrais soit acheter la viande au marché, où les mouches s’en donnent à coeur joie, soit acheter ma viande sur pied, vivante...

Quant aux céréales, il est possible de trouver des boîtes de céréales dans les alimentations (épiceries) près de chez moi. Mais le choix est limité et le produit pas toujours frais, car les Maliens n’ont pas l’habitude de manger les céréales, trop dispendieuses. C’est au supermarché seulement que j’ai un peu plus de choix. Seulement, au supermarché, c’est cher. Une boîte de céréales de type Muslix ou Special K va me coûter plus de 3000FCFA, soit près de 8 ou 9$CAN.

Ainsi, voilà l’inconvénient du supermarché : comme la plupart des produits là-bas sont importés, de France généralement, ils sont chers ! Quelques exemples ? Une barre de chocolat du genre KitKat ou Bounty : 800FCFA, soit 2$CAN. Une boîte de jus de légumes : plus de 2000FCFA, donc plus de 5$CAN. Un petit paquet de craquelins : 2500FCFA, soit plus de 6$CAN. Des ananas en boîte (pour quand je suis trop paresseuse pour couper les fruits entiers) : 900FCFA, soit plus de 2$CAN. La différence n’est pas énorme, mais elle se fait sentir dans le total de la facture. Si j’économise beaucoup d’argent en faisant mes achats au marché en plein air, je brûle toutes mes économies à chaque virée au supermarché!

jeudi, janvier 25, 2007

Le service à la clientèle

Il m'est parfois arrivé, dans ce blogue, de critiquer les Canadiens (ou les Québécois, à votre préférence ;-)), leur individualisme, leur obsession pour la productivité... Quand même, soyons justes ! Hier, j'ai parlé à une dame de l'Ambassade du Canada à Bamako. Quel bonheur ! En quelques minutes, elle a répondu à toutes mes questions, elle m'a donné le nom de plusieurs personnes à contacter, leur numéro de téléphone, leur adresse email... Tout ça avec le sourire et la plus grande gentillesse. Ah, pendant quelques minutes, cette dame, vraiment, m'a fait regretter le Canada ! Parce qu'il faut le dire, contacter une entreprise à Bamako n'est jamais très agréable. Quand je n'ai pas l'impression d'avoir fait le mauvais numéro, j'ai souvent l'impression de surprendre la réceptionniste dans son sommeil... quand il y a une réceptionniste. J'ai souvent l'impression qu'on ne souhaite pas me servir. J'ai souvent l'impression que la cliente potentielle que je suis n'est pas la bienvenue. Bref, je dérange !

Par exemple, hier, je contacte une entreprise pour le boulot. Après avoir parlé à la réceptionniste (que je dérangeais sûrement, étant donné le ton de sa voix), j'ai été mise sur attente de nombreuses minutes pour finalement tomber sur le système main libre d'une salle, vide, au fond de laquelle j'entendais deux hommes discuter. J'ai crié "Allo, allo !" quelques instants... puis raccroché. Je devrai essayer de rappeler plus tard, en espérant tomber cette fois-là sur une réceptionniste un peu plus habituée aux transferts d'appel.

Autre exemple : Je me suis rendue à 3 reprises aux bureaux d'une agence de voyage près de chez moi. Chaque fois, les bureaux étaient fermés. J'ai essayé d'appeler, sans succès. Envoyer un email est ici une solution de dernier recours. C'est ce que j'ai fait. On a répondu à mon email par une lettre qui disait d'appeler ou de me présenter sur place... à des heures qui ne conviennent pas du tout à quelqu'un qui travaille de 8h30 à 17h tous les jours ! J'ai fait affaire avec cette agence, vous croyez ?

Autre exemple : Récemment, je suis entrée dans un magasin de produits de beauté près de chez moi. Il y avait là 6 vendeuses assises devant une télé dont le volume était tellement élevé que j'ai du crier pour me faire entendre. J'ai demandé ce que je cherchais, et l'une des vendeuses m'a vaguement répondu que je devais repasser le lendemain car ils étaient sur le point de fermer. J'y suis retournée, vous pensez ?

Bref, obtenir un renseignement, une information, même acheter un produit ou un service est toujours franchement frustrant, voire décourageant. On se fout de perdre une vente, on se fout de perdre un client... Et de mon côté, je laisse tomber de nombreux projets simplement parce qu'il est trop difficile de les réaliser... Il y a ici un certain laisser-aller qui fait du bien quand on vient du Canada, où le stress est omniprésent. Mais quand on souhaite se bouger un peu le derrière et concrétiser des projets, ce laisser-aller devient un gros obstacle !

mercredi, janvier 24, 2007

Quand du thé au citron fait voyager...

Vous êtes des buveurs de thé ? Moi, non. En fait, j'ai découvert le thé lors de mon premier long séjour à l'étranger, en Hongrie. Là-bas, tous les matins au petit déjeuner, on me servait du thé au citron bien sucré, chaud ou froid.

Mais j'ai toujours préféré le café. Ainsi, depuis que je suis au Mali, je bois le café façon malienne : une cuillère de café instantané Nescafé, du lait en poudre et du sucre (que les Maliens remplacent parfois par du lait condensé sucré). Oui, en effet, les Maliens aiment leur café bien sucré. Par contre, il arrive que les médicaments que je prends pour me protéger du paludisme me donnent la nausée. Dans ces moments-là, je deviens incapable d'avaler des produits laitiers, et, comme certains Maliens, je me prépare du thé Lipton au citron pour le petit déjeuner. Et chaque fois, immanquablement, le thé au citron me ramène à Kesckémet, cette petite ville hongroise que j'ai habitée pendant quelques mois, il y a de cela déjà plusieurs années. J'ai beau me trouver en plein coeur de l'Afrique de l'ouest, immanquablement, le thé au citron, que je ne bois pratiquement jamais au Canada, me ramène dans la maison de la famille Szucs, en Hongrie.

Ainsi, je constate que, si tous nos sens savent nous faire voyager, le goût et l'odorat sont ceux qui y arrivent avec la plus grande puissance. Le goût et l'odorat réveillent des images mentales précises et des impressions fortes, ce qui me laisse croire qu'il y a en effet dans notre relation à la nourriture une grande part d'affectivité. En tous cas, c'est toujours un immense plaisir pour moi de quitter quelques minutes le continent africain, qui m'a toujours tellement fascinée, pour une autre région du monde, tout aussi fascinante : l'Europe de l'est. Ce sont deux régions du monde tellement différentes. Mais ce sont deux régions du monde dont l'évocation sera toujours douce à mes oreilles...

lundi, janvier 22, 2007

Analyse non scientifique des expatriés à Bamako

Samedi dernier, je suis allée dans un endroit nommé Le Lagon, genre de parc situé un peu à l’extérieur de Bamako, avec piscine, lac, arbres, fleurs… et un cheval. J’étais avec des Canadiens, des Français et des Maliens rencontrés récemment. En fait, depuis que je suis au Mali, je suis peu sortie avec des toubabs. À mon arrivée, je m’étais retrouvée à quelques reprises avec des toubabs dont les sujets de conversation tournaient immanquablement autour de “mon pays versus le Mali”… Chacun de ces rendez-vous me laissait avec un étrange sentiment désagréable. J’arrivais tout juste au Mali, tout était beau, agréable… Franchement, j’avais pas envie que des conversations à saveur négative viennent tout gâcher. J’ai donc pris mes distances d’avec les toubabs en général pour m’entourer davantage de Maliens qui risquaient moins de me mettre dans la tête une vision négative du Mali. Ce n’est que récemment que j’ai découvert qu’en fait, ceux que j’appelle les toubabs, c’est-à-dire les blancs, les occidentaux, se divisent en différentes catégories.


D’un côté, il y a ces personnes qui sont au Mali sans être certaines d’avoir vraiment envie d’y être. Ces personnes sont parfois en Afrique pour la première fois, elles y sont venues par curiosité et sont peut-être déçues de ne pas y trouver ce qu’elles cherchaient. Ou alors, ayant connu d’autres pays d’Afrique, elles sont déçues par le Mali et se demandent un peu ce qu’elles font ici. Peut-être parce qu’elles ont été mal préparées, ces personnes parlent surtout des difficultés : “j’ai mis 3 mois à faire ce que j’aurais pu faire en 2 semaines au Canada”, “j’en ai marre de perdre une heure tous les matins seulement pour répondre à l’un et à l’autre qui s’informe de ma santé, de ma famille, de ma soirée”, “vous pouvez m’expliquer ça vient d’où ce bruit bizarre que les gens font avec leur gorge ?”, “les enfants font pipi n’importe où”, “le mot intimité n’existe pas dans le vocabulaire malien”, "les Maliens ne savent pas s'amuser", "les macquis sont gardés cachés, tout est tabou", "la question d'argent finit toujours par atterir sur le tapis, comment savoir qui est vraiment mon ami ici ?"… Ce genre de critiques, je les ai entendues, je les ai parfois formulées moi-même. D’ailleurs, si on croit à la théorie du “choc culturel”, il est normal, à un moment ou à un autre, quand on découvre un nouveau pays, de passer par une période un peu négative où tout nous semble noir. Quand même, quand de trop nombreuses critiques se retrouvent toutes ensemble dans plusieurs bouches et dans une seule et même conversation, ça devient lourd…

D’un autre côté, donc, il y a les toubabs dont les conversations se trouvent ailleurs que dans la comparaison, qui sont au Mali parce qu’ils s’y plaisent, qui mènent leur vie, qui font leur boulot sans se demander sans cesse si la vie pourrait être mieux ailleurs. Ce sont souvent des personnes qui, ayant connu l’Afrique déjà, ne se demandent plus si elles ont envie d’y être ou pas. Elles y sont et c’est bien ainsi. Ce sont parfois des personnes qui sont bien peu importe où elles se trouvent, des personnes qui, peu importe où elles se trouvent, savent s’amuser, faire des projets, découvrir... Ce sont des personnes qui, au risque de commettre des erreurs à saveur culturelle, au risque de choquer un peu parfois, osent et foncent, dans le respect du pays qui les accueille. Bref, il y a de ces gens qui, grâce à leur optimisme, à leur positivisme et à leur enthousiasme savent nous faire apprécier la vie même dans un des pays les plus pauvres du monde…

vendredi, janvier 19, 2007

Les accommodements raisonnables

J'ai écrit, cette semaine, un court billet sur le port du voile sans savoir qu'au même moment, au Canada, Radio-Canada avait consacré la semaine à des reportages sur les accommodements raisonnables, sans savoir que les résultats d'une enquête sur le racisme des Québécois avaient été publiés récemment.

J'ai lu quelques articles sur le sujet, j'ai lu des commentaires sur des blogues, des lettres d'opinion... Et bizarrement, je ne sais toujours pas où je me situe dans ce débat. Je suis originaire d'un pays occidental à tradition chrétienne, je séjourne dans un pays à majorité musulmane où des pratiques telles que le port du voile, la polygamie et l'excision sont répandues. Quand je dis aux gens ici que ces pratiques sont critiquées au Canada, voir illégales, ils sont surpris, parfois choqués. En effet, les questions de culture, de religion et de tradition, qui souvent se mêlent les unes aux autres, touchent des valeurs profondes. Elles touchent des valeurs souvent acquises dès la tendre enfance et qui nous servent de référence, pour le reste de notre vie, quand vient le temps de juger de ce qui est bien et de ce qui est mal...

Quand on prépare un long séjour dans un pays étranger, on nous parle souvent du choc culturel. On nous avertit que nos propres valeurs, même nos valeurs profondes, seront confrontées, peut-être modifiées. Effectivement, vivre dans un pays où la culture et les traditions sont si différentes de celles auxquelles je suis habituée m'incite à me poser de nombreuses questions. Mes idées sur certains sujets changent. Ou en tous cas, elles deviennent plus nuancées. Je pense à la polygamie, par exemple. Avant de quitter le Canada, j'ai répété à combien de reprises que c'était une pratique incompréhensible pour moi ? Aujourd'hui encore, je trouve que cette pratique place les femmes dans un état d'infériorité... Aujourd'hui encore, c'est une pratique que je m'explique mal... mais qui fait désormais partie de mon quotidien. J'habite une maison construite par un homme polygame, qui a prévu un étage pour chacune de ses femmes. Des patrons, des chefs d'entreprise, des personnes que je côtoie tous les jours sont polygames. Des hommes qui se sont toujours défendus d'être monogames soudainement se remettent en question et envisagent la polygamie, pour diverses raisons. Des femmes encore jeunes acceptent de marier un homme déjà marié. Dans certains cas même, bien que rares, c'est la femme même qui encourage son mari à la polygamie. Enfin, quand j'explique que, pour moi, c'est une pratique incompréhensible, on me répond souvent qu'au Canada, tous ces hommes et ces femmes qui trompent leur conjoint pratiquent eux aussi une forme de polygamie non institutionnalisée... Bref, des arguments nouveaux se présentent à moi et, s'ils ne rendent pas la chose plus acceptable pour moi, ils la rendent en tous cas plus compréhensible...

Malgré mes nombreuses discussions et réflexions sur les différences culturelles, le débat sur les accommodements raisonnables me laisse sans voix. Bizarrement, je me sens plus ou moins concernée par ce débat de société. Pourtant, je baigne chaque jour dans les "accommodements raisonnables" ! Chaque jour, je fais le tri entre les pratiques maliennes acceptables et inacceptables pour moi. Je fais le tri également entre les pratiques canadiennes que je souhaite conservées coûte que coûte, et celles qui soudainement me paraissent incongrues. Chaque jour, je remets en question des pratiques, des traditions, des valeurs maliennes, chaque jour, je remets en question des pratiques, des traditions, des valeurs canadiennes. Cette réflexion s'accompagne de nombreuses discussions avec mon entourage (des Maliens, des Africains vivant au Canada, des Canadiens vivant au Mali ou au Canada). Mais cette réflexion demeure, au bout du compte, très personnelle...

Je comprends tout de même qu'au Canada, le débat soit devenu social. Comment faire autrement quand un groupe impose des contraintes à un autre groupe qui n'en a rien à foutre ? Ce qui est difficile, au bout du compte, n'est-ce pas de déterminer la limite entre l'acceptable et l'inacceptable ? On fait comment pour trancher ? Quand on sait que même les notions de bien et de mal ne sont pas universelles (le problème de l'excision notamment le montre bien), on réalise qu'en tous cas, la tâche sera difficile !

mercredi, janvier 17, 2007

Porter le voile

La religion musulmane demande aux personnes qui la pratiquent de se couvrir pour prier. Si certains hommes ne sortent leur petit chapeau que pour la prière, si certaines femmes ne se couvrent la tête d’un voile que le temps de la prière, d’autres, hommes ou femmes, se couvrent la tête tous les jours. Mais de plus en plus, je soupçonne que, derrière les considérations religieuses, il y ait des raisons pratiques au port du voile. En effet, à moins que je ne me trompe, la plupart des musulmanes qui ont l’habitude de porter le voile viennent de pays plutôt désertiques où la poussière est omniprésente et le soleil, brûlant. Ainsi, couvrir leur tête d’un voile n’a-t-il pas le mérite de protéger les femmes des coups de chaleur et des insolations ? En couvrant leur nez et leur bouche d’un foulard, les musulmanes ne sont-elles pas ainsi protégées de la poussière du désert, mais également des différents microbes qu’elle transporte et de la pollution? Ce n’est pas sans raison si les touaregs, ces hommes venus du désert, portent autour de la tête et du cou un long foulard qu’ils passent leur temps à remonter sur leur nez…

Loin de moi l’idée de commencer à porter le voile à la manière des musulmanes. J’ai tout de même pris l’habitude d’enrouler autour de mon cou, tous les matins en partant au boulot, un foulard que je remonte sur ma bouche et mon nez, question d’empêcher la poussière et la pollution d’envahir mes poumons. Et chaque fois que je me ballade en ville en plein jour sous le soleil, je regrette de ne pas avoir couvert ma tête…

mardi, janvier 16, 2007

Au Mali, on mange quoi ? Des fruits !

La semaine dernière, j’ai parlé un peu des plats maliens typiques. Quand même, les Maliens, et les toubabs en visite au Mali, ne mangent pas que du riz et ses variantes. Dans un pays où il fait chaud douze mois par année, il y a bien sûr des fruits ! Le fruit le plus facile à trouver, et le moins cher, est la banane. On peut acheter un kilo de bananes pour 300 FCFA, environ 0,75$. Depuis mon arrivée, je peux voir aussi des pastèques à tous les coins de rue (ce que nous nommons, au Canada, les melons d’eau). J'ai acheté déjà une pastèque entière pour environ 600FCFA, soit 1,50$. Par contre, c'est lourd à porter ! Et puis, avec une pastèque, même quand on en distribue la moitié au voisinage, on peut durer une semaine ! En tous cas, je n’ai pas tenté à nouveau l’expérience, et maintenant, je me contente d’acheter la pastèque en morceaux déjà coupés.

On peut aussi acheter des papayes (environ 400 FCFA une petite, 1000 FCFA une grosse) et des oranges. Les oranges, par contre, portent mal leur nom, car en fait, elles sont jaunes ou vertes, très fibreuses et peu juteuses. Bref, elles ne sont pas très bonnes. Pour cette raison, les gens consomment les oranges différemment que chez nous. Plutôt que d’en défaire chaque morceau un à un, ils enlèvent la pelure tout en conservant la couche blanche, et ils sucent l’intérieur du fruit, sans le défaire. Récemment, j’ai vu à de rares endroits des oranges vraiment oranges, mais on m’a dit qu’elles venaient du Sénégal comme ça, et qu’elles étaient donc plus chères (environ 250 FCFA du fruit, ce qui est dispendieux quand on compare au prix des bananes par exemple). J’ai aussi trouvé des clémentines, mais encore là, elles sont rares bien que peu dispendieuses. Comme l’orange “orange”, la pomme, généralement jaune, est un fruit de luxe, ici. En effet, une pomme à 250 FCFA ne nourrira qu’une personne, tandis que la dizaine de bananes qu’on peut avoir pour le même prix nourrira une famille. À certains endroits, on peut trouver des ananas, que généralement les femmes coupent devant nous, avec beaucoup d’agilité d’ailleurs. Une femme habituée peut, en effet, peler et couper un ananas en moins d’une minute. On trouve assez facilement, aussi, ce qu’on appelle des citrons, mais qui ressemblent, en fait, par leur couleur, leur grosseur et leur parfum, à des limes.

Enfin, il y a au Mali de nombreux manguiers. Mais pour le moment, les mangues sont rares, trop rares. C’est avec beaucoup d’impatience que j’attends le début de la saison, prévue pour février ou mars, selon les régions. On m’a dit qu’outre les petites mangues comme celles qu’on trouve au Canada, on trouve également au Mali de grosses mangues, de la grosseur d’une papaye. Ces grosses mangues, paraît-il, font dormir et ont un parfum très différent. Je me promets bien d’essayer, en tous cas.

Tous ces fruits, on les achète généralement le long des rues, où les femmes s’installent avec une table et une chaise ou un petit banc. Il y a une femme à qui j’achète régulièrement des pommes, des papayes et des bananes, au retour du boulot, qui est fidèle à son poste 7 jours sur 7 jours, jusque tard en soirée. On peut parfois, également, acheter des fruits de femmes qui se baladent avec un plateau sur la tête. Enfin, il y a parfois des hommes qui poussent des chariots remplis de papayes ou de pastèques. C’est d’eux que j’achète parfois des morceaux de noix de coco. Il y a encore beaucoup de nourriture qu’on peut acheter comme ça en se baladant sur le bord des rues. Mais j’en parlerai dans un billet futur.

En tous cas, bien que les fruits ici soient disponibles en moins grande variété qu’au Canada, ils sont toujours très goûteux. Comme ils sont peu dispendieux et qu’il est plus simple de les acheter entiers et en grande quantité, j’ai pris l’habitude de me préparer, chaque semaine, une grosse salade de fruits. La pastèque mélangée à la papaye mélangée à l’ananas mélangée à la mangue mélangée à l’orange mélangée à la banane, c’est délicieux. Une telle salade de fruits coûterait une fortune au Canada, j’imagine. En tous cas, pour le moment, j’en profite à fond !

Aux fruits frais, il existe plusieurs variantes encore dont je profite amplement : les jus de fruits exotiques (goyave, mangue, ananas, etc.), et surtout, et surtout, les confitures de fruits exotiques (papaye, goyave, mangue notamment) absolument délicieuses, et difficiles à trouver au Canada, j’en ai bien peur.

Bizarrement toutefois, les Maliens en général semblent être peu habitués aux fruits transformés, et ils sont rares à consommer les salades de fruits, les jus de fruits ou les confitures. Pourquoi ? Peut-être parce qu’ils n’ont pas nécessairement les moyens de se payer des frigos, peut-être parce qu’ils n’ont généralement pas la dent sucrée… En fait, j’en sais trop rien !

lundi, janvier 15, 2007

D’un quartier à l’autre

Samedi après-midi, Nathalie et moi avons accompagné un ami dans le quartier Badalabougou. Sans être le quartier le plus riche de la ville, il est le repère des Américains à Bamako, et il attire des personnes plutôt aisées, maliennes ou autres. Nathalie et moi, on a mis un certain temps avant de découvrir ce qui distinguait Badalabougou de Lafiabougou, le quartier que nous habitons. Mais dès le moment où nous sommes entrées dans une cour, je me suis dit “Wow, que c’est propre et tranquille et agréable, ici!” La cour était cimentée, et par endroits elle était même carrelée, alors que dans Lafiabougou, les cours sont généralement en terre. Alors que, dans Lafiabougou, les gens ont tendance à jeter leurs déchets sur le sol (papiers de toutes sortes, mégôts de cigarette, pelures de bananes, etc.), la cour de Badalabougou était complètement nettoyée. Puis nous sommes entrés dans la maison : des planchers en céramique, de nombreux fauteuils, une table de salon sur laquelle deux femmes mangeaient, des meubles de rangement et une table à dîner, tous en bois… Encore une fois, c’était propre et agréable, et chaque personne que j’ai vue entrer là-bas a enlevé ses sandales. L’odeur était bonne, aussi, puisqu’on y faisait brûler de l’encens, dans un gros pot placé par terre dans un coin. Les maisons de Lafiabougou, quant à elles, sont généralement faites en ciment, essentiellement, et les carreaux de céramique sont un luxe que de rares personnes se paient. La peinture des murs, quand il y en a, est généralement écâillée. Les maisons sont, bien sûr, assez poussiéreuses. Quant aux meubles, ils sont rares et généralement défraîchis. Ainsi, bien souvent, les gens mangent leur repas à même le plat posé par terre, assis sur des chaises de style “chaises de jardin”. C’est sur ce même genre de chaises qu’ils écoutent la télé, le soir venu, dans la cour. Les plus jeunes, moins chanceux, doivent se contenter de petits bancs de bois. Et quand il n’y a vraiment plus de place, on se tasse un peu et on s’asseoit deux par chaise. La promiscuité, en Afrique, ça ne fait pas peur !

Quand nous avons quitté la maison pour nous asseoir quelques minutes dans la rue, toujours dans Badalabougou, nous avons constaté la tranquilité du quartier. Bien qu’il y ait des enfants dans chaque maison, semble-t-il, aucun ne traînait dans la rue. Franchement, le contraste est grand avec Lafiabougou, où les enfants sont partout, mais absolument partout, dans la rue, dans la cour des maisons… Si on ne les surveille pas un peu, ils entrent même dans notre maison, parfois à notre insu. On a bien du mal, d’ailleurs, à leur faire comprendre de frapper avant d’entrer. Bref, c’est ainsi que nous avons découvert qu’à Bamako également, comme dans toutes les villes du monde peut-être, se côtoient différentes classes sociales.

Je dois le dire, ma petite balade dans Badalabougou m’a un peu fait regretter la tranquilité à laquelle je suis habituée au Canada. Lafiabougou est tout, sauf tranquille. Il y a toujours plein de monde dans la rue, beaucoup de bruits… Même à la maison, à moins de m’enfermer, la porte fermée, dans ma chambre, j’ai du mal à trouver la tranquilité, tellement il y a de va-et-vient : les enfants qui jouent, qui n’écoutent pas quand on leur dit d’aller jouer ailleurs, les voisins qui viennent dire bonjour, ceux qui viennent jouer un peu avec la guitare de notre gardien… Quand même, je crois que ce fut une chance pour nous d’aménager dans un quartier tel Lafiabougou, où les gens, s’ils sont parfois envahissants, ont au moins le mérite d’être accessibles. Nathalie et moi avons développé une relation très intéressante avec des gens du voisinage, et certains d’entre eux deviennent peu à peu des amis. Je ne crois pas que cela aurait été possible, malheureusement, si nous avions habité dans Badalabougou.

NB Notre balade dans Badalabougou nous a donné la chance de voir, pour la première fois depuis que je suis à Bamako, deux hommes venus du nord sur leur dromadaire (ou bien c'était des chameaux ? J'ai mal vu le nombre de bosses, en fait !). Ils sont ici, paraît-il, pour la fête de l’armée, prévue pour le 20 janvier prochain. Ah, c’était exotique de voir ces touaregs sur leur chameau, au coeur de la ville, comme ça. Et puis ça me rappelle que JE DOIS aller faire un tour dans le nord du pays !

vendredi, janvier 12, 2007

Au Mali, on mange quoi ?

Ça fait longtemps que je souhaite écrire un billet sur ce que l’on mange au Mali. Mais cette question s’est rapidement intégrée à mon quotidien, les différences alimentaires ont rapidement perdu de leur exotisme, et j’ai ainsi négligé d’écrire un tel billet. De plus, je dois dire que j’espérais agrémenter mon billet de photos. Par contre, même si je suis ici depuis 3 mois maintenant, je suis toujours un peu mal à l’aise de sortir mon appareil-photo en plein repas pour photographier les assiettes pleines. Vous imaginez un peu votre tête si votre invité malien, en plein milieu d’un repas, sortait son appareil-photo pour faire une photo de son plat de spaghetti, de son morceau de tourtière ou de son pâté chinois ? Voilà pourquoi il faudra vous servir de votre imagination pour imaginer un plat de riz au gras ou de foniou !

D’abord, disons que, selon que l’on est malien ou toubab, ou pauvre ou riche, ce qui revient presque au même, on mange différemment. Le malien moyen, plus ou moins fortuné, mange du riz tous les jours ou presque, et ce à presque tous les repas. Pour le déjeuner, on prépare le riz en bouillie, auquel on ajoute du lait et du sucre. J’ai goûté et j’aime pas trop. Il faut aimer le gruau pour apprécier, je crois. Pour le repas du midi et celui du soir, on prépare le riz, généralement blanc, que l’on mange avec de la sauce. Les variantes sont dans la sauce. On prépare la sauce tomate, à laquelle on ajoute des morceaux de viande, généralement du mouton. Une sauce fort populaire est la sauce à la pâte d’arachides, très riche, à laquelle on ajoute également des morceaux de viande. On prépare en outre la sauce feuilles, une sauce verte un peu gluante préparée avec des feuilles. Au Burkina, on préparait notamment la sauce feuille avec des feuilles de baobab. Ici, les baobabs étant plutôt rares, on utilise notamment les feuilles de patates douces.

Les Maliens ont l’habitude d’ajouter aux sauces du gombo, soit un petit légume vert long et mince qui ressemble à un petit piment. Vous gardez ça pour vous, s.v.p., je n’aimerais pas offenser quelqu'un, mais personnellement, le gombo, je ne peux pas ! Ça donne une texture gluante à la sauce, qui forme de longs fils qu’on doit enrouler et enrouler encore autour de sa cuillère, de longs fils gluants qui me rappellent les films d’horreur dans lesquels des morts-vivants tout dégoulinants quittent leur tombeau pour effrayer les vivants, de longs fils gluants qui me rappellent ce que les enrhumés trouvent dans leur mouchoir… Bref. Vous comprenez, n’est-ce pas ? Je ne suis pourtant pas de nature exigeante, côté bouffe. Et les Maliens ont l’air d’adorer ! Quand même, entre le gombo et moi, le courant passe pas du tout !

Il existe des variantes au riz blanc : le couscous, différent du couscous arabe qu’on connaît au Canada, car plus pâteux ; le foniou, qui ressemble au couscous africain ; le to, qui ressemble à une purée de pommes de terre, en plus consistant et en plus collant ; et le riz gras. Le riz gras, quand même, j’aime bien. Il s’agit en fait de riz qu’on a cuit dans l’huile avec de la sauce tomate. Mais on le sert avec des aubergines. Les aubergines africaines n’ont rien à voir avec les aubergines violettes qu’on peut acheter au Canada. Ce sont en fait de petits légumes, qui ont la forme d’une citrouille, mais la grosseur d’un citron, au goût très, trop amer. Encore là, c’est quelque chose que je suis incapable de manger. C’est comme le piment. Ici, régulièrement, les Maliens ajoutent à côté de leur plat une grosse cuillère de piment. Moi, une goutte de ce piment me brûle la bouche et m’empêche de goûter le reste de mon plat! Mais encore là, les Maliens, semble-t-il, ne peuvent pas s’en passer.

Bref, vous l’aurez deviné, les goûts maliens, voire les goûts africains, en matière de nourriture, sont franchement différents des goûts nord-américains. Il y a encore beaucoup de choses à dire sur ce qu’on mange au Mali. Mais ce billet est déjà si long… J’y reviendrai bientôt ! Parce que quand même, il ne faudrait pas croire que je suis incapable d'avaler toute forme de bouffe africaine ! Au contraire, il y a ici des choses délicieuses...

jeudi, janvier 11, 2007

Question d’intérêts

Alors que j’étudiais à la maîtrise en études internationales, j’ai souvent lu des auteurs selon lesquels ce sont essentiellement les intérêts idéologiques et économiques qui dictent les actions des leaders politiques et économiques internationaux, et donc des États. Selon ces auteurs, quand un pays décide d’octroyer une partie de son budget à l’aide au développement, par exemple, ce n’est pas par simple altruisme. Ce n’est pas une question de générosité. Derrière tout projet de développement, derrière tout financement accordé à un pays pauvre ou à un ONG international, il y aurait des intérêts, plus ou moins cachés selon le cas. Ce que j’observe ici, au Mali, m’incite à le croire !

L’un des mandats d’ONUSIDA est de favoriser la collaboration entre les différentes organisations qui luttent contre le VIH/SIDA au Mali. Ces organisations, ce sont les différentes agences des Nations Unies, le Haut Conseil National de lutte contre le VIH/SIDA, différents ministères, des organisations gouvernementales ou non-gouvernementales nationales ou internationales... Les bailleurs de fonds qui, il faut l'admettre, tiennent souvent le gros bout du bâton, sont donc nombreux. Ainsi, nombre de rencontres auxquelles je participe deviennent en fait le théâtre de négociations à saveur diplomatique. Chacun souhaite voir son logo affiché en gros au haut des banderoles, personne ne souhaite voir son logo en côtoyer d’autres. Même au sein des Nations Unies, les négociations sont constantes, chaque agence souhaitant voir ses actions mises en évidence. Bref, disons-le, la collaboration est difficile. Certaines personnes savent garder le cap et ont toujours à l’esprit ce pour quoi elles travaillent en réalité, soit la lutte contre le VIH/SIDA. Mais il faut avouer qu’il est parfois difficile de garder le cap quand chaque rencontre ou presque finit par ressembler à une guerre de drapeaux, à une guerre de logos, où chacun défend les intérêts de son bailleur de fonds.

Quand on s’intéresse à des questions telles que le dialogue des civilisations, une telle constatation est un peu décourageante. En effet, comment peut-on espérer construire des ponts entre des personnes issues de différents pays, comment peut-on même espérer construire des ponts entre les habitants d’un même pays quand ceux sensés donner l’exemple, notamment les agences des Nations Unies, les organisations non-gouvernentales et gouvernementales, etc. passent leur temps à tirer sur leur côté de la couverture ?

Le “dialogue des civilisations” est-il un concept utopique ?...

mardi, janvier 09, 2007

Bamako, le film

Samedi dernier, j’ai eu la chance de participer à l’avant-première du film Bamako. Réalisé par le malien Abderrahmane Sissako, le film est d’abord sorti, étrangement, en France. C’est le 7 janvier dernier qu’il sortait au Mali. Le film, qui fait le procès, au sens propre comme au sens figuré, de grandes institutions internationales telles que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI), fait partie de la sélection officielle du Festival de Cannes, ce qui n’est pas rien, tout de même. En fait, le film met en scène des représentants de la société civile africaine, qui ont engagé une procédure judiciaire contre la Banque Mondiale et le FMI, qu’ils jugent responsables du drame qui secoue l’Afrique. Ainsi, les blancs, les occidentaux, ne sont pas ménagés dans ce film qui souhaite donner la parole, avant tout, aux noirs, aux africains. Surtout, la Banque Mondiale et le FMI sortent grands perdants de ce procès, il faut le dire, partial.

Au bout du compte, malgré les accusations portées contre la Banque mondiale, le FMI, et indirectement, contre les occidentaux et les blancs, le film est, sans contredit, pessimiste. C’est le principal reproche que je lui fais. Il me rappelle une chanson que j’entends souvent ici : “Mon pays va mal”. Oui, ton pays va mal. Et puis après ? Tu fais quoi pour remédier à la situation ? Est-ce suffisant de se plaindre que son pays va mal ? Et si on cherchait un peu des solutions, plutôt que de se limiter à des constats si pessimistes ?

En tous cas, le film Bamako a au moins le mérite de donner la parole à des gens qu’on entend rarement. Le film commence d’ailleurs sur l’image d’un homme venu réclamer la parole : voilà, je crois, l’essence même du film, c’est-à-dire donner la parole à ceux qui l’ont trop rarement. Voilà d’ailleurs pourquoi j’aime tant le cinéma : il donne la possibilité de s’exprimer à des gens qui, trop souvent, gardent le silence. Malheureusement, le cinéma produit au sud atteint rarement les salles du nord. Alors que les films américains sortent en masse sur les rares écrans de cinéma maliens, quand un film malien sort-il sur les écrans nord-américains ou européens ? À quelle fréquence les Canadiens ou les Français regardent-ils des films africains ou sud-américains ? N’avez-vous jamais regardé un film africain ?

Ce débat sur les films du nord versus les films du sud, c’est tout le débat sur la diversité culturelle. Comme tout débat repris par les grandes institutions internationales (dans ce cas-ci, l’UNESCO), le débat sur la diversité culturelle a beaucoup perdu de sa substance, malheureusement. Quand on travaille au niveau international, quand on veut rallier tout le monde, quand on cherche à ménager la chèvre et le chou, trop souvent, on atteint un tel résultat : on vide les concepts, on les rend mous, impuissants… Tout de même, ce que souhaitent avant tout les défenseurs de la diversité culturelle, c’est, justement, de permettre aux gens du sud d’être entendus au nord. Essentiellement, c’est ça. Et en ce sens, le film Bamako est un pas dans la bonne direction.

D’ailleurs, si jamais le film Bamako vient à sortir sur les écrans chez vous, je vous encourage fortement à le voir, surtout si vous souhaitez “sentir” Bamako. Le film a été tourné dans le quartier Hamdallaye, voisin de celui où j’habite et, franchement, c’est réellement la ville de Bamako, ses maisons, ses hommes, ses femmes et ses enfants que j’ai vus, que j’ai entendus, dans ce film.

lundi, janvier 08, 2007

Le beurre de karité

J’ai découvert le beurre de karité l’an dernier, au Burkina Faso. Certains des Canadiens avec qui j’ai séjourné là-bas ont travaillé avec des productrices de beurre de karité, et j’étais revenue au Canada avec un sachet rempli de beurre. Utilisé à la fois en cuisine qu’en esthétique, le beurre de karité est très riche, et on lui prête toutes sortes de vertues. Quand même, je dois le dire, je l’ai peu utilisé au Canada, justement parce qu’il est si riche et qu’il fait briller la peau. Mais depuis que je suis au Mali, surtout depuis que l’Harmattan a commencé à souffler, je vois régulièrement des femmes s’enduire de la tête au pied de beurre de karité, jusque dans les narines. Jusqu’à maintenant, je me disais “Ouais, la peau noire, quand elle brille comme ça, enduite de beurre, elle est encore plus belle… Mais moi, est-ce que vraiment j’ai envie de briller ainsi?... Non, vraiment!” Alors, jusqu’à maintenant, je me suis contentée de ma lotion amenée du Canada. Mais de plus en plus, à cause du vent, à cause de la sécheresse, à cause de la poussière, j’ai vu ma peau se dessécher, se craqueler. Récemment, quelqu’un m’a dit que la carte du monde était apparue sur mes jambes. Ah, vraiment, ç’a a sonné le glas de ma lotion canadienne, pas adaptée du tout au climat malien. Désormais, à mon tour, j’ai adopté le beurre de karité, si riche, mais qui fait un bien fou, et qui fait enfin disparaître, peu à peu, la carte du monde de sur mes jambes et mes bras !

vendredi, janvier 05, 2007

Le cheval blanc du Mali

“Le cheval blanc” : c’est ainsi qu’on surnomme Salif Keïta, le grand chanteur et musicien malien. Il est né albinos dans une région où ils sont mal vus, à cause des pouvoirs maléfiques qui leur sont attribués. Sa décision de devenir chanteur a créé le scandale dans sa famille. En effet, la musique est réservée, traditionnellement, à la caste des griots, tandis que les Keïta sont une famille de princes. C’est donc rejeté par sa famille qu’il a quitté son village natal pour rejoindre un groupe de musiciens de Bamako.

C’est lui que j’ai vu en spectacle, le 30 décembre dernier, au club Le Moffou, créé par M. Keïta lui-même. C’était un concert très intime, et l’artiste a invité les spectateurs à danser devant la scène, disant qu’il avait organisé un party plus qu’un concert… Par contre, la partie que j’ai préférée, c’est quand Salif s’est présenté seul avec sa guitare sur la scène et qu’il a chanté de belles chansons d’amour…

D’ailleurs, si Salif Keïta a à son actif de nombreux albums maintenant, l’un de ses morceaux les plus connus est justement une chanson d’amour, Yamore, qu’il chante en duo avec la grande Cesaria Evora, à la fois en français, en espagnol et en bamanan.

À la fin de la soirée, quand je suis rentrée à la maison, je me suis assise avec quelques voisins qui avaient allumé un feu. Par hasard, ils écoutaient une cassette de Salif… Ça m’a donné l’impression que le spectacle se continuait jusque chez nous…

Le site Web officiel de Salif Keïta : http://salifkeita.artistes.universalmusic.fr

jeudi, janvier 04, 2007

La Tabaski

Les musulmans du Mali ont fêté, le 30 décembre dernier, la Tabaski. On s’est préparé en grande pour la fête. Depuis plusieurs jours, le grand marché du centre-ville était bondé. Les tailleurs croulaient sous le travail. Tout le monde était à fleur de peau. La ville était pleine de béliers, souvent vendus par des touaregs venus du nord du pays. La veille même de la fête, il y avait au moins un bélier d’attaché à la porte de chaque maison. Les enfants ont bien nettoyé le carré où se tient normalement la prière. Les femmes se sont tressées. Les hommes ont fait coupé leurs cheveux. La veille de la fête, les boutiques étaient pleines, les salons de coiffure étaient pleins. On me parlait de la “fête” depuis si longtemps, je m’attendais à un débordement sans pareil.

En fait, le matin même de la Tabaski, vers 8h, de nombreux hommes surtout, et quelques femmes, assises derrière, se sont retrouvés dans le carré tout près de chez moi pour la prière qui a duré, en tout, à peine 30 minutes. Après la prière, tous ont déambulé dans la rue, avec leurs boubous tout neufs, généralement faits de bazin. Plus le bazin est brillant, plus il est riche, plus il vaut cher, paraît-il.

Puis le carnage a pu commencer. En fait, à la Tabaski, il est d’usage de tuer un ou plusieurs béliers dans chaque famille en guise de sacrifice. Ainsi, chaque famille a égorgé ses béliers. Puis le boulot a commencé. Les hommes et les femmes se sont mis au travail afin d’abord d’enlever la peau à l’animal. La peau, en effet, sera utilisée pour faire des tapis de prière. Puis on arrange la viande qui sera mangée au cours de la journée et des jours à venir.
Pour ma part, j’ai d’abord fait un tour chez les Coulibaly. M. Coulibaly, marié à 3 femmes, a tué 3 gros béliers. Mais il y avait là tellement de travail, et donc tellement de pression, que l’ambiance était un peu mauvaise, et j’ai prétexté un quelconque empêchement pour retourner chez moi au plus vite. Je me suis retrouvée ensuite chez les Sissoko, où, malgré le boulot, on était quand même un peu plus relaxe. Le vieux Sissoko n’a marié qu’une femme, mais les Sissoko ont tout de même acheté 3 moutons, dont un pour la grand-mère, âgée, paraît-il, de 122 ans ! Chez les Sissoko, j’ai moi-même mis la main à la pâte. J’ai aidé à préparer un peu de viande, que j’ai fait mariner puis griller. C’était pas mal, mais c’est tout de même toujours un peu difficile de manger de la viande quand quelques poils de mouton restent toujours là même après la cuisson !
À la Tabaski, la coutume veut également que les familles distribuent un peu de viande aux gens des alentours. C’est ainsi que Nathalie et moi, on s’est retrouvées avec, dans le frigo, une patte de mouton gracieusement offerte par le vieux Coulibaly. Comme on n’a pas de couteau décent pour couper la viande, on a au moins réussi à retourner ce présent chez les Coulibaly, qui se sont occupés d’arranger la viande, après qu’on leur ait expliqué que, d’abord, on n’était pas équipées pour ça, et puis que, de toutes façons, autant de viande allait se gaspiller avant même qu’on ait pu la manger. C’était quand même spécial de voir une patte de mouton au fond de notre mini frigo !

Bref, pour une bonne partie de la journée, la plupart des familles ont beaucoup travaillé pour préparer la viande. C’est seulement une fois que tout a été bien arrangé que les femmes ont revêtu leurs beaux habits tout neufs, leurs beaux souliers, et puis voilà ! Toute cette journée, il faut le dire, m’a laissée un peu perplexe. On préparait la fête depuis si longtemps ! Quand on me parlait de fête, je m’attendais à entendre de la musique, à voir des gens danser, à voir des gens s’amuser, jouer, rire… Eh ! bin non. D’après ce que j’en ai compris, faire la fête, à Bamako, c’est tuer un mouton, puis travailler, travailler et travailler, pour enfin revêtir de beaux habits et se faire photographier ainsi…

Franchement, je ne sais pas si c’est à cause de la religion ou quoi, mais depuis que j’ai traversé la période des fêtes à Bamako, j’ai l’étrange sentiment que les Maliens ne savent pas s’amuser. Ou en tous cas, leur façon de s’amuser et de faire la fête est vraiment différente de ce à quoi je suis habituée… Quelqu’un m’a dit que les fêtes, au Mali, c’est en brousse que ça se passe, qu’en fait, à Bamako, ça manquait d’ambiance. J’espère que c’est vrai ! Parce que franchement, les fêtes, à Bamako, il faut le dire, c’est plate !

Avant de venir au Mali, je connaissais des Africains leur goût pour la danse, leur goût pour la musique. Pour moi, les Africains, ce sont des gens qui, généralement, ont le coeur à la fête. Malheureusement, je n’ai pas retrouvé ce trait de caractère chez les Maliens de mon entourage au cours des fêtes qui se terminent à peine… Ou alors je fréquente les mauvaises personnes ?! En tous cas, je dois le dire, ça me manque vraiment de voir des gens s’amuser, lâcher leur fou, crier, danser, chanter… Dans certains cas, j’apprécie beaucoup la pudeur et la réserve typiques aux Maliens. Mais quand vient le temps de faire la fête, c’est une autre histoire !

mercredi, janvier 03, 2007

Sambè, Sambè ! San yèlèma !

Voilà, ce sera ma façon à moi cette année de dire "C'est la fête, c'est la fête, bonne année 2007 !" J'ai passé la soirée du 31 dans un resto, à minuit, on a fermé les lumières, on a sorti les chapeaux de fête, et tout le monde s'est embrassé. Façon assez classique de défoncer la nouvelle année, en fait. Pour tout dire, ça a été très tranquille, trop tranquille. Le gars sensé nous ramener à la maison après la soirée travaille dans un hôtel, il s'est donc arrêté là-bas au retour, et Nathalie et moi, on l'a attendu une partie de la nuit, en buvant du champagne... On s'est finalement couchées au moment où l'imam de la mosquée appelait les gens à la première prière du matin...

C'est seulement dans la soirée du 1er janvier qu'on a réellement vu des gens s'amuser, alors qu'on s'est retrouvées dans une boîte, où on a passé une partie de la nuit. Ah, ça faisait du bien de voir, enfin, des gens danser et boire...

En tous cas, j'offre à tous mes meilleurs voeux pour l'année 2007. Qu'elle vous apporte le bonheur ! "Amina!" me répondraient les Maliens...

Une visite chez les protestants

Décidément, le Mali me donne l'occasion de vivre toutes sortes d'expériences culturelles. La semaine dernière, un collègue de Nathalie lui propose d'assister à un concert, présenté dans une église protestante du centre-ville. Elle me dit "Il y aura de la musique dans toutes sortes de langues, c'est un concert offert à l'occasion de Noël"... Ca avait l'air intéressant, je l'ai donc accompagnée. Une fois sur place, le "concert" de Noël s'est avéré être, en fait, un service religieux protestant. Alors que j'étais à la messe de minuit il y a quelques jours à peine, je me suis dit : "Wow, je suis en train de devenir plus catholique que le pape!" En tous cas, ce fut tout de même une expérience intéressante... Quand la première chorale s'est avancée, qu'elle s'est mise à chanter, à danser et à taper des mains, je me suis dit "Eh ! bin, les protestants, ils sont vivants en tous cas !" Quand ensuite l'électricité a été coupée quelques minutes, et que tout le monde s'est mis à crier, à applaudir, et à allumer leurs cellulaires, comme dans un concert rock, je me suis dit "Ca y est, le party est poigné!" Quand, enfin, le pasteur est monté sur la scène et s'est mis à lire un passage de la Bible et à crier, les poings au ciel, je me suis dit "Décidément, les protestants, ils sont intenses!" Loin de moi l'idée de me convertir. Mais je dois dire tout de même que ça a fait beaucoup de bien de voir des gens s'amuser, chanter et danser.

Noël à Bamako

Cette année, c’était la deuxième fois de ma vie que je passais Noël loin de ma famille. Ce Noël avait ceci de particulier en plus que je le passais dans un pays où les chrétiens ne sont qu’une très faible minorité. Ainsi, la veille de Noël, il n’y avait pas, en ville, cette effervescence propre aux jours qui précèdent les fêtes. Ça m’est sauté aux yeux une semaine plus tard quand, à la veille de la Tabaski, alors là il y avait de l’électricité dans l’air. Les boutiques étaient pleines, pareil pour les salons de coiffure… Bref, la veille de Noël, Nathalie et moi étions les seules du voisinage à bien se saper pour partir à la messe de minuit. On s’est rendues à la cathédrale, où la messe était prévue pour 22h. Mais il y avait tellement de personnes présentes que la messe a eu lieu, en fait, sur un grand terrain en face de la cathédrale. Une messe de minuit à Bamako, au bout du compte, ça ressemble pas mal à une messe de minuit au Canada. Les chants étaient parfois en bamanan, mais on a chanté notamment “Il est né le divin enfant” et quelques chants du genre, chantés aussi chez nous. Comme toujours, les chants de la chorale de cathédrale étaient très beaux, accompagnés qu’ils étaient par le piano, des djembés, etc. La messe a débuté avec une longue crèche vivante et, quand a sonné minuit, on a chanté “Bonne fête Jésus”, d’abord en français, puis en anglais, puis en bamanan, et puis en wolof, en dogon… et en tout plein de langues africaines. Chacun à son tour entonnait la chanson dans sa langue d’origine, et un moment donné, j’ai franchement cru que ça n’allait jamais finir ! On s’en est sorti finalement, mais la messe a duré, duré, duré… Nous avons finalement quitté, après la communion, et il était déjà 1h30… alors que nous étions là-bas depuis 21h30… La nuit de Noël s’est terminée chez des amis musulmans… Ils avaient mangé déjà, mais c’est tout de même à notre manière que nous avons réveillonné, jusqu’aux petites heures du matin…

La journée même de Noël a été très tranquille. Nathalie et moi, on ne le savait toujours pas, mais on couvait une grippe, ce qui nous a un peu ralenties. Simplement, on s’est reposées… et un voisin nous a offert à chacune un très joli cadeau de Noël : une peinture représentant un village malien…