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mercredi, octobre 04, 2006

Une deuxième valise ou non ?

Ce matin, j'ai commencé à regarder un peu plus sérieusement ce que j'allais mettre dans mes bagages. Ça fait déjà quelques semaines que j'emmagasine des trucs du genre médicaments et produits de toilette, sans trop savoir qu'est-ce que j'emmenerai. J'étais franchement soulagée de voir qu'il y a amplement de place dans ma valise pour y mettre ce qui pourtant semblait remplir le coffre dans lequel j'avais rangé tout ça. Et puis j'ai encore pas mal d'espace pour mettre mes vêtements.

Dans le pire des cas, si jamais je manquais d'espace dans ma valise, j'ai droit à une deuxième valise en soute. Mais voilà que j'hésite. Une seule valise en soute est suffisante pour y mettre toutes les choses dont j'ai besoin. Mais je me rappelle trop bien, quand j'étais au Burkina, d'avoir été vraiment frappée par le dépouillement des gens... matériellement je veux dire. Je voyais des enfants marcher pieds nus, porter des chandails plein de trous, et je me disais "mon garde-robe déborde de vêtements que je ne porte plus parce qu'ils sont démodés..." Au Burkina, et au Mali aussi j'imagine, tout s'utilise, tout se récupère. Ainsi, j'ai plein de vêtements chez moi, des cassettes qui ne me servent plus mais qui sont encore très populaires en Afrique, des stylos, tout plein de choses qui pourraient servir peut-être à un organisme d'aide sociale, là-bas, au Mali. Mais comme je l'ai dit déjà, j'hésite à emmener une deuxième valise. D'abord par paresse : je sais qu'en arrivant à Bamako, je ne m'installerai pas tout de suite à mon appartement. Je devrai donc tout déplacer combien de fois ? Il y a rien qui m'assure non plus que mes bagages vont entrer dans un taxi...

Si j'hésite, c'est aussi et surtout parce que je suis mal à l'aise d'arriver au Mali les bras chargés de trucs à offrir. J'ai pas envie de donner de moi-même l'image de la canadienne riche qui arrive à Bamako pour partager un peu de sa richesse, façon paternaliste. Quand j'étais au Burkina, j'ai été étonnée de voir à quel point recevoir, et donc demander, était inscrit dans les moeurs. Et c'était remarquable tant chez les enfants que chez les présidents d'organisation. Continuellement, les enfants me criaient "Nassara, nassara" (la blanche), donne-moi des bonbons, donne-moi de l'argent, donne-moi ton appareil-photo..." Les adultes, à peine plus subtils, me disaient "Parlez de nous au donateurs canadiens". Jusqu'à une certaine limite, demander n'est pas une mauvaise chose. Surtout, avant de porter un jugement sur ce comportement, il faut se demander qu'est-ce qui l'explique ? D'où vient-il ? Qui en est responsable ? Quelle en est la cause ?... Mais ce comportement devient mal, à mon avis, quand il empêche l'initiative, la créativité et l'entrepreneurship et quand il fait germer le fatalisme.

Quand j'étais au Burkina, j'avais laissé des médicaments et des vêtements à mon organisation d'accueil, la SEMUS. Celle-ci avait un comptoir où elle vendait des articles à des prix sociaux, et la vente de ces articles lui permettait de financer ses autres projets, notamment un Centre de dépistage du VIH-SIDA. En leur laissant quelques trucs, je faisais d'une pierre deux coups : je recyclais des choses que je n'aurais plus utilisées de toutes façons, et je participais au financement de l'organisation. Mais à ce moment-là, je n'avais emmené qu'une seule valise, et les choses laissées étaient des choses que je prévoyais utiliser au départ...

Et maintenant, qu'est-ce que je fais ? J'emmène une deuxième valise ou non ?