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dimanche, octobre 29, 2006

Je me présente : Mariam Doumbia

Les Maliens ont l’habitude, par souci d’intégration je crois, et peut-être un peu aussi par orgueil, de donner un nom malien à toute personne qui séjourne au Mali un certain temps. Pour ma part, c’est notre gardien David qui m’a nommée. Il m’a d’abord prénommée Mariam (l’équivalent de Marie), comme sa fille, et comme de nombreuses petites filles ici. Puis un soir, une voisine était en visite à la maison, et quand elle a demandé comment je m’appelais, il a répondu “Mariam Doumbia”. Alors voilà comment j’ai été baptisée malienne. Depuis, quand un malien me demande mon nom, je réponds généralement “Mariam Doumbia”, et une fois l’effet de surprise passé, on rigole un peu, et ainsi, tout contact est plus facile. Dans la rue où j’habite, je suis aussi “Mariam” pour les enfants qui, de toutes façons, étaient incapables de prononcer mon véritable prénom. Peu à peu, je développe le réflexe de me retourner quand j’entends Mariam.

Tout de même, papa, maman, il ne faut pas vous inquiéter, je demeure Johanne dans mon coeur et je demeure Johanne au travail aussi. Mais au Mali, porter un nom malien facilite beaucoup l’intégration. C’est un peu comme en Beauce en fait : si une personne rencontrée là-bas peut trouver un lien entre moi et un oncle, un grand-père ou un cousin, déjà, elle aura l’impression de me connaître un peu mieux et sera dès lors plus à l’aise. Ainsi, un nom malien permet aux gens d’ici de me situer. En effet, les maliens sont très fiers de leur nom de famille, car non seulement il désigne un groupe familial, mais également un récit historique et légendaire. Ceux qui portent certains noms de famille se considèrent donc comme cousins même si en réalité leur relation est très éloignée. En tant que Doumbia, mes cousins sont généralement de l’ethnie peul et portent des noms tels que Sidibé, Diallo, Sisse, Songaré ou Diakité. Les Coulibaly, très très nombreux ici, sont aussi mes cousins.

Les Doumbia sont traditionnellement de la caste des forgerons. Si les castes n’existent plus officiellement au Mali, elles font encore partie du discours populaire. Ainsi, chacun sait s’il fait partie des nobles (les cultivateurs, les pêcheurs ou les chasseurs) ou s’il fait partie des castes (forgerons, griots).

De plus, il existe ici ce qu’on appelle la “plaisanterie à cousinage” à laquelle on ne peut participer que si on porte un nom malien. Ainsi, si je rencontre un cousin, c’est-à-dire un Sisse ou un Diallo par exemple, je peux le taquiner sans qu’il s’en offusque, même si je n’ai jamais vu cette personne, même si cette personne est le président du pays ! Je peux taquiner tous les cousins rencontrés, ce qui incite aux longues discussions rigolotes au cours desquelles on se taquine et se taquine et se taquine, on dit à l’autre qu’il est sale, qu’il mange mal, qu’il est mauvais, etc., sans toutefois que ce soit jamais agressif.

Quand même, pour taquiner, ça prend une bonne connaissance des liens familiaux au Mali et de l’origine des familles. Ainsi seulement il est possible de taquiner l’une en lui disant qu’elle est une vendeuse de petit lait, parce que traditionnellement, sa famille élevait les vaches, ou en disant à l’autre qu’il ne mange que des haricots ou des oeufs. Pour l’instant, donc, je me fais taquiner beaucoup, sans jamais trop savoir comment répondre. Mais j’apprends, j’apprends… ils ne perdent rien pour attendre, mes cousins maliens…

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