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jeudi, décembre 28, 2006

Un défilé de mode

Vendredi dernier, avant le congé de Noël, j’ai assisté à un défilé de mode un peu particulier organisé par ARCAD-SIDA, un organisation qui supporte les personnes vivant avec le VIH (PVVIH), en leur apportant un soutien psychologique, médical, etc. L’événement avait lieu pour une cinquième année consécutive et avait pour thème “Bien dans peau, bien dans son corps”. Les femmes, toutes séropositives, ont défilé dans des habits traditionnels propres à leur région d’origine : Gao, Tombouctou, Sikasso, Kayes, etc. En regardant les photos, vous verrez le maquillage un peu particulier de certaines femmes, couvertes de noir jusque sur le menton, jusque sur le front. Ce sont les femmes peuls surtout, d’origine nomades, qui, traditionnellement, se maquillent ici. Vous remarquerez également que certaines femmes ont dessiné des traits noirs sur leurs joues, ou de chaque côté de leurs yeux. Ces traits faits au crayon imitent en fait les scarifications que plusieurs personnes au Mali portent encore. On ne scarifie plus ainsi les plus jeunes, ou en tous cas très rarement. Mais anciennement, dans plusieurs pays d’Afrique, la pratique voulait que chaque enfant qui naissait était scarifié d’une façon bien particulière de façon à toujours pouvoir l’associer à sa région d’origine. Ainsi, une personne bien informée savait qu’une personne qui porte deux lignes de chaque côté des yeux provient de telle région, qu’une autre personne qui porte des cicatrices de chaque côté du nez provient de telle région, et ainsi de suite.

Tout au long du défilé, de nombreuses femmes ont fait des témoignages bouleversants. Il faut dire que la proportion de femmes victimes du VIH/SIDA est de plus en plus élevée. D’abord, physiologiquement, les femmes sont plus vulnérables au virus. Mais surtout, elles sont trop souvent des victimes passives. En effet, alors que tout est mis en oeuvre pour éviter qu’une femme ne soit infidèle, l’infidélité du mari est beaucoup plus tolérée. Dans la mesure où la polygamie est une pratique courante au Mali, elle est même normale. Ainsi, c’est souvent l’homme infidèle qui, le premier, contracte le virus, pour le transmettre ensuite à sa ou à ses épouses.

Presque toutes les femmes qui ont témoigné sont maintenant de jeunes veuves, laissées seules, malades, parfois avec quelques enfants à charge. Alors qu’au Mali, ce sont les maris, puis leur famille à leur décès, qui ont la responsabilité de subvenir aux besoins des femmes et des enfants, une femme séropositive devenue veuve sera trop souvent rejetée par la famille de son mari. En effet, les personnes atteintes du VIH sont très stigmatisées. Pour bien des gens ici, le SIDA est une maladie de pervers, de gens de mauvaise vie. C’est ce à propos de quoi ont témoigné certaines femmes, dont cette femme qui a fait preuve de beaucoup d’humour en attachant à son habit traditionnel des préservatifs gonflés.

Mais le témoignage le plus touchant à mon avis a été fait par la femme qui porte des cacahuètes dans les cheveux. Elle a raconté qu’avant d’être prise en charge par ARCAD-SIDA, elle était tellement malade, son souffle était si faible, que sa famille l’a mise dans le linceul des morts, convaincue qu’elle était déjà morte. Ils ont fait toute une tête quand, sous son linceul, elle a éternué ! Elle a été si bien soignée que, d’agonisante, elle est devenue une personne en forme, pleine d’énergie, capable de défiler et de danser avec les autres femmes.

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