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lundi, décembre 18, 2006

Prendre le thé

Les Maliens et le thé, c’est toute une histoire ! À toute heure du jour et de la nuit, les Maliens prennent le thé. Mais prendre le thé, ici, c’est toute une cérémonie, en fait. Rien à voir avec le petit sachet qu’on fait infuser cinq minutes ! En fait, on achète ici le thé vert de Chine, vendu en petits paquets individuels, de 50 à 100 FCFA environ le paquet (10 à 25 sous). Dans un groupe, c’est généralement au plus jeune que revient la tâche de faire le thé. Jusqu’à maintenant, j’ai vu surtout des hommes préparer et prendre le thé. Mais on m’a dit que les femmes savaient également préparer le thé, et que ce sont souvent elles qui le préparent à la maison. Moi-même, quand je me ballade dans la rue, il arrive souvent qu’on m’arrête en m’offrant de prendre le thé, en tous cas dans mon quartier.

Au début, quand on m’offrait un petit verre de thé, j’hésitais un peu, comme on nous recommande toujours de faire attention à l’eau, question de ne pas attraper de parasites. Mais pour le thé, je me dis que, de toutes façons, l’eau doit bouillir. Et il faut dire que l’eau de Bamako, au départ, est bien nettoyée. Elle sent même l’eau de javel, ce qui est bon signe, je dois le dire.

Bref, les occasions de boire le thé, ici, sont très fréquentes. Et elles le sont encore plus depuis que notre gardien a proposé qu’on prépare le thé également à la maison. Il avait déjà chez lui deux petites théières, et je lui ai donné l’argent pour qu’il puisse acheter le petit poêle, le charbon, deux petits verres et puis du sucre. Ainsi, de temps en temps, le soir, on prépare le thé qu’on offre aux voisins de passage.

La fin de semaine dernière, ces mêmes charmants voisins se sont mis dans la tête que c’était à mon tour de servir le thé. J’ai résisté un peu, j’ai dit “Mais moi, je n’ai jamais vu une femme préparer le thé” et puis j’ai demandé “Est-ce que vraiment je suis la plus jeune ici?” Mais finalement, j’ai accepté, car il faut le dire, j’étais quand même un peu curieuse de savoir comment on fait le thé ici. Et franchement, c’est toute une cérémonie ! Et c’est beaucoup de travail !

D’abord, il faut faire chauffer les feuilles de thé mélangées à un peu d’eau. C’est quand ça a bien bouilli que le travail commence. On doit d’abord vider l’eau du thé dans les petits verres, pour voir la quantité qu’on a. C’est ainsi qu’on peut mesurer la quantité de sucre qu’on va mettre dans la deuxième théière. C’est toujours, en fait, beaucoup de sucre qu’on mélange au thé, c’est-à-dire environ un demi verre de sucre pour deux verres de thé, ce qui est vraiment beaucoup ! On verse ensuite le sucre dans la théière, et pour s’assurer que le sucre va bien se mélanger au thé, on vide et revide et revide le thé de la théière aux petits verres. C’est à ce moment que celui qui prépare doit goûter un peu le thé, pour s’assurer qu’il soit assez sucré sans l’être trop.

En vidant le thé tout en soulevant bien haut la théière, le thé forme une mousse. La mousse est très importante. C’est pourquoi d’ailleurs qu’une fois que le thé est bien mélangé au sucre, on doit verser le thé d’un verre à l’autre à plusieurs reprises, question de faire monter la mousse jusqu’à la moitié du verre. Ça, c’est difficile. Moi, chaque fois que j’ai essayé de verser le thé tout en soulevant bien haut la théière, j’ai renversé la moitié du thé dans l’assiette. Mais on me disait “Du thé sans mousse, on n’aime pas trop, nous…” Alors j’ai persévéré, car je voulais vraiment faire du bon thé ! Et puis on m’a dit, en plus, que plus on fait couler le thé ainsi, plus il était doux…

Une fois tout ça terminé, on vide à nouveau le thé dans la théière, que l’on remet sur le charbon, question de le réchauffer un peu. C’est pendant ce temps qu’on nettoie l’extérieur des petits verres, et l’extérieur seulement, car il faut conserver la fameuse mousse dans les petits verres. Quand enfin le thé est chaud, on regarde autour pour voir à combien de personnes on devra servir du thé, et on s’assure de servir à tous au moins une petite gorgée de thé. On sert d’abord la personne à sa droite, et on revide du thé dans les mêmes deux petits verres jusqu’à ce que tout le monde a été servi.

Au fond, ce qui fait que c’est tant de travail, c’est qu’il faut recommencer le manège trois fois. Pendant qu’on sert le premier thé, on ajoute de l’eau dans la théière dans laquelle se trouvent les feuilles de thé, et on fait bouillir le tout. Puis on lave les verres, l’assiette sur laquelle sont déposés les verres… Et on recommence : le sucre, la mousse, goûter, ajouter un peu de sucre, ah ! non, c’est trop sucré, bouillir un peu d’eau supplémentaire, ajouter l’eau au thé, bien mélanger, faire mousser, laver l’extérieur des verres… Ayaye ! On y passe facilement la soirée, hein ! Quand même, c’est agréable, il faut le dire. Les gens s’arrêtent, regardent, surtout quand c’est une blanche qui prépare, on peut rigoler un peu, se moquer d’elle, et si en plus on apprend qu’elle est Doumbia, et donc descendante de forgerons, on lui dit qu’elle doit savoir prendre le charbon en feu avec ses doigts nus… Bref, la soirée que l’on passe à préparer le thé comme ça n’est pas une soirée perdue. C’est une soirée où l’on s’amuse bien, car on prend le temps de discuter. Et comme les Maliens aiment trop discuter, ils préparent le thé à tout moment de la journée, le jour comme le soir, la semaine comme la fin de semaine, au travail comme à la maison.

Tout plein de photos de la préparation du thé sur Flickr : ici, ici, ici, ici, ici, ici, ici, ici, ici, ici, ici et ici.

2 Commentaires:

  • ouf, stressés comme nous sommes, nous devrions prendre cette habitude ca aiderait peut être.
    bon thé (bonté) que c'bon
    Fanta xx

    Par Anonymous Anonyme, le lundi, 18 décembre, 2006  

  • Ah oui, vraiment, préparer le thé, ça permet de ralentir un peu... Quand même, faut avoir du temps devant soi...

    Par Blogger Johanne, le mardi, 19 décembre, 2006  

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