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jeudi, février 22, 2007

Bintou Wèrè, l'Opéra du Sahel

Dimanche dernier, j'ai assisté à la première de l'Opéra du Sahel. Le spectacle, extérieur, était présenté au Palais de la culture, sur le bord du fleuve, avec en arrière-scène les lumières de la ville. Ils sont plus d'une centaine de musiciens, d'acteurs et de danseurs à participer à ce spectacle qui intègre des chants à la fois en bambara, en wolof (la langue des Sénégalais), en malinké, en mooré (la langue des Mossis du Burkina), en peul (la langue des éleveurs nomades), etc. Originaires du Mali, du Sénégal, de Guinée, du Burkina Faso, de Guinée-Bissau et du Tchad, ils sont souvent célèbres dans leur pays d'origine, voire en Afrique de l'ouest, et leur talent est grand ! Bref, oui, la distribution est impressionante.

La mise en scène, le jeu des couleurs et le jeu des lumières sont aussi magnifiques. On imite avec beaucoup de talent la lumière du petit matin, du jour et de la nuit. Et les spectateurs ont été très impressionnés quand des acteurs sont venus, en cours de spectacle, sur des pirogues depuis le fleuve. Vraiment, c'est un beau spectacle, créé à l'initiative du prince Claus des Pays-Bas, qui souhaitait créer un opéra africain.

Par contre, sans un narrateur qui explique un peu le déroulement de l'histoire, c'est un peu difficile à suivre. Peu à peu, en glanant des informations chez le spectateur de droite, qui comprend le bambara, puis chez celui de gauche, qui comprend le wolof, on finit par comprendre qu'il est question de l'émigration clandestine - un sujet chaud en Afrique de l'ouest. En effet, ils sont nombreux les Maliens, les Sénégalais, les Burkinabés, etc. à s'embarquer sur des pirogues, à traverser le désert, au risque de leur vie, dans l'espoir d'une vie meilleure en Europe. Sinon, il est aussi question de la pauvreté, de la disparation des valeurs sociales, de l'invasion des criquets pélerins et de la famine.

Mais même pour un spectateur africain, l'histoire est difficile à comprendre : pour bien apprécier un tel spectacle multi-langues, il faut effectivement connaître toutes les langues utilisées. Même les Maliens, qui comprennent souvent plusieurs des langues parlées au pays, ne connaissent pas nécessairement le wolof ou le mooré par exemple. Ainsi, le spectateur à ma droite m'a traduit, avec beaucoup de générosité, les parties en bambara, qu'il pouvait comprendre. Mais ce n'était pas suffisant pour bien suivre le fil du récit. D'ailleurs, je ne sais pas si c'est typiquement africain comme attitude, mais tout au long du spectacle, les spectateurs se sont exprimés haut et fort ! J'ai vite réalisé que la plupart, tout comme moi, ne comprenait pas grand-chose à ce qui se passait :

-Hé, tu comprends quelque chose toi ?
-Hé, qu'est-ce qui se passe, maintenant ?
-Hé, c'est quoi le rapport ?
-Qu'est-ce qu'il dit ? Qu'est-ce qu'il dit ?
-C'est qui celui-là ?

Malgré tout, quand un spectateur retardaire s'est pointé, cachant la scène à d'autres déjà assis, on ne s'est pas gêné pour lui crier d'aller s'asseoir, et plus vite que ça ! En tous cas, outre le spectacle lui-même, la réaction des spectateurs était un spectacle en soi ! Ainsi, j'ai trouvé les spectateurs, au bout du compte, assez mauvais public. Bien que l'histoire est un peu difficile à suivre, il s'agit d'un spectacle magnifique qui n'a pas été applaudit à sa juste valeur, à mon avis....