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lundi, avril 30, 2007

Les visages de la misère

À Montréal, j'observe une chose que je vois très rarement en Beauce, parce que c'est plus rare ou parce que c'est moins apparent : la misère. Par contre, au Mali, j'en ai vu beaucoup, de la misère. Mais là-bas, elle a un visage différent. À Montréal, ce sont des jeunes que j'ai vus, samedi soir, installer une bâche à la sortie d'une station de métro, en vue de la nuit fraîche à venir. C'est un homme dans la force de l'âge (40 ans tout au plus) qui me demande chaque jour un peu de monnaie à la sortie de l'épicerie. C'est un homme dans la vingtaine qui m'a demandé, tout-à-l'heure, en joignant les mains, "un peu de monnaie mademoiselle ?" Derrière la misère montréalaise, j'imagine normalement des histoires de mésentente familiale, des histoires d'alcoolisme, de toxicomanie, parfois des maladies mentales...

Au Mali, il y a sans doute également des histoires de maladies mentales qui se cachent derrière ces quelques fous qu'on voit se promener en ville dans des vêtements usés à la corde... quand vêtements il y a ! Des fesses de fous, j'en ai vues !... Mais les gens qui mendient au centre-ville de Bamako sont généralement des handicapés physiques, des personnes dont le corps ne leur permet pas d'exercer un métier, des personnes dont la famille, sans doute, n'a pas les revenus nécessaires pour leur éviter la honte de la mendicité. J'ai vu parfois aussi des mères mendier, souvent accompagnées de leurs jeunes enfants... Des femmes peut-être abandonnées par leur mari, ou leur famille, sans ressource... Dans la rue, il y a aussi les petits talibés qui mendient, ces jeunes garçons, élèves d'écoles coraniques, qui récoltent argent ou nourriture, une boîte de conserve à la main, en chantant des chants musulmans...

Si moi je suis surprise par les différents visages que porte la misère, selon qu'on se trouve à Bamako ou à Montréal, les Maliens, eux, ont toujours été étonnés de m'entendre dire que "Oui, il y a de la misère en Amérique du Nord, oui, il y a des itinérants dans les rues des grandes villes nord-américaines, même qu'ils sont en grand nombre, été comme hiver." Pour un Malien, qui vit dans l'un des pays les plus pauvres du monde, il est inconcevable qu'il y ait des itinérants, des mendiants, dans l'un des pays les plus riches de la planète. Et franchement, j'ai toujours eu beaucoup de difficultés à expliquer aux Maliens de mon entourage comment le Canada arrive à produire autant de mendiants. Sinon en disant que, peut-être, la misère n'est pas tant une question de pauvreté qu'une question d'organisation sociale... Mais ça demeure une réponse bien abstraite pour un Malien pour qui le Canada représente l'eldorado...