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mardi, janvier 09, 2007

Bamako, le film

Samedi dernier, j’ai eu la chance de participer à l’avant-première du film Bamako. Réalisé par le malien Abderrahmane Sissako, le film est d’abord sorti, étrangement, en France. C’est le 7 janvier dernier qu’il sortait au Mali. Le film, qui fait le procès, au sens propre comme au sens figuré, de grandes institutions internationales telles que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI), fait partie de la sélection officielle du Festival de Cannes, ce qui n’est pas rien, tout de même. En fait, le film met en scène des représentants de la société civile africaine, qui ont engagé une procédure judiciaire contre la Banque Mondiale et le FMI, qu’ils jugent responsables du drame qui secoue l’Afrique. Ainsi, les blancs, les occidentaux, ne sont pas ménagés dans ce film qui souhaite donner la parole, avant tout, aux noirs, aux africains. Surtout, la Banque Mondiale et le FMI sortent grands perdants de ce procès, il faut le dire, partial.

Au bout du compte, malgré les accusations portées contre la Banque mondiale, le FMI, et indirectement, contre les occidentaux et les blancs, le film est, sans contredit, pessimiste. C’est le principal reproche que je lui fais. Il me rappelle une chanson que j’entends souvent ici : “Mon pays va mal”. Oui, ton pays va mal. Et puis après ? Tu fais quoi pour remédier à la situation ? Est-ce suffisant de se plaindre que son pays va mal ? Et si on cherchait un peu des solutions, plutôt que de se limiter à des constats si pessimistes ?

En tous cas, le film Bamako a au moins le mérite de donner la parole à des gens qu’on entend rarement. Le film commence d’ailleurs sur l’image d’un homme venu réclamer la parole : voilà, je crois, l’essence même du film, c’est-à-dire donner la parole à ceux qui l’ont trop rarement. Voilà d’ailleurs pourquoi j’aime tant le cinéma : il donne la possibilité de s’exprimer à des gens qui, trop souvent, gardent le silence. Malheureusement, le cinéma produit au sud atteint rarement les salles du nord. Alors que les films américains sortent en masse sur les rares écrans de cinéma maliens, quand un film malien sort-il sur les écrans nord-américains ou européens ? À quelle fréquence les Canadiens ou les Français regardent-ils des films africains ou sud-américains ? N’avez-vous jamais regardé un film africain ?

Ce débat sur les films du nord versus les films du sud, c’est tout le débat sur la diversité culturelle. Comme tout débat repris par les grandes institutions internationales (dans ce cas-ci, l’UNESCO), le débat sur la diversité culturelle a beaucoup perdu de sa substance, malheureusement. Quand on travaille au niveau international, quand on veut rallier tout le monde, quand on cherche à ménager la chèvre et le chou, trop souvent, on atteint un tel résultat : on vide les concepts, on les rend mous, impuissants… Tout de même, ce que souhaitent avant tout les défenseurs de la diversité culturelle, c’est, justement, de permettre aux gens du sud d’être entendus au nord. Essentiellement, c’est ça. Et en ce sens, le film Bamako est un pas dans la bonne direction.

D’ailleurs, si jamais le film Bamako vient à sortir sur les écrans chez vous, je vous encourage fortement à le voir, surtout si vous souhaitez “sentir” Bamako. Le film a été tourné dans le quartier Hamdallaye, voisin de celui où j’habite et, franchement, c’est réellement la ville de Bamako, ses maisons, ses hommes, ses femmes et ses enfants que j’ai vus, que j’ai entendus, dans ce film.