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jeudi, février 22, 2007

Le Mali, un pays riche ?

Ce matin, la une de L’Essor (quotidien malien) a attiré mon attention : « Mécanisation agricole : tracteurs made in Mali ». N’est-il pas incroyable de constater que, dans un pays comme le Mali, on parle encore de mécaniser l’agriculture ? Au Canada, la mécanisation de l’agriculture est une vieille histoire ! Même que, virage vert oblige, on favorise de plus en plus l’agriculture biologique, qui encourage les agriculteurs à laisser tomber certaines technologies (produits chimiques, hormones, vaccins).

Ainsi, une unité d’assemblage de tracteurs a été construite (par les Chinois, dont la présence au Mali est indéniable !), car, nous apprend L’Essor, « la mécanisation de l’agriculture est une cause chère au chef de l’Etat. » Amadou Toumani Touré souhaite, en effet, faire du Mali une puissance agricole. Les 16 tracteurs qui seront produits chaque jour devraient « contribuer à impulser la révolution agricole. »

Eh ! bien. Je suis perplexe ! Certes, l’économie malienne est essentiellement basée sur l’agriculture. Mais vous avez vu un peu le paysage ? C’est le désert, ici ! Il y a de la poussière partout, et il n’a pas plu depuis octobre. Certaines rivières sont à sec, et à certains endroits sur le fleuve, les pinasses ne peuvent circuler en saison sèche. Est-ce réaliste de miser ainsi sur l’agriculture pour faire progresser l’économie du pays ? Certes, de nombreux spécialistes (agronomes, vétérinaires, biologistes, ingénieurs, etc.) travaillent fort pour mettre sur pied des systèmes de gestion de l’eau efficaces. Et ma visite aux Pays dogons, où on réussit à faire pousser des légumes dans le sable et le roc, littéralement, me permet de croire que les miracles existent. Malgré tout, l’eau n’est pas une ressource qui déborde de potentiel au Mali, surtout avec l’avancée du désert et les changements climatiques, qui rendent la pluie de plus en plus rare, et la période des grandes chaleurs de plus en plus précoce !

Il y a quelques semaines, j’ai discuté un peu avec des gens de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI). Selon eux, l’un des problèmes d’un pays comme le Mali est qu’il ne priorise pas les bonnes activités. Il dépense des milliards à des projets sans grand potentiel, et il néglige des secteurs porteurs, notamment l’éducation. Bon, d’accord, je vous entends venir : la Banque mondiale et le FMI ne sont pas sans reproches. Certes, ces institutions sont souvent situées à la droite du spectre politique, et généralement, elles mettent de l’avant le développement économique d’un pays, parfois aux dépens de la qualité de vie de ses habitants. C’est en tous cas, résumé très grossièrement, ce qu’on leur reproche. Quand même, pour l’exemple de l’agriculture, je suis assez d’accord avec MM. Banque mondiale et FMI. Pourquoi mettre tant d’argent dans le secteur agricole, quand le système de l’éducation, par exemple, est dans un état pitoyable ? Il n’y a pas une année qui passe sans que les étudiants ou les professeurs tombent en grève. Cette année seulement, les professeurs d’université sont en grève depuis octobre ! Autant le dire, les étudiants sont déjà résignés à perdre cette année scolaire…

Par ailleurs, malgré tout l’espoir mis dans des secteurs comme l’agriculture, celle-ci dépend en grande mesure de l’aide externe. Outre la collaboration des Chinois, l’unité de production des tracteurs a été créée en grande partie grâce à l’apport fructueux de la coopération indienne. Pourtant, bien que le Mali soit l’un des pays les plus pauvres au monde, il regorge de richesses. Son sous-sol, notamment, déborde de minéraux (le Mali est la troisième réserve d’or après l’Afrique du Sud et le Ghana), tandis que le nord devrait voir sortir d’ici 2008 ses premiers barils de pétrole. De telles richesses créent des emplois, bien sûr. Ce n’est pas une mauvaise chose dans un pays où le taux de chômage frôle les 15%. Mais il semble que ces richesses profitent davantage aux multinationales sud-africaines, américaines, canadiennes ou suisses (ici, un article sur le sujet d’un quotidien suisse - l'article date un peu, mais il demeure très intéressant). De plus, l’arrivée massive d’expatriés fait monter en flèche le coût de la vie, tandis que les salaires des employés locaux n’augmentent pas en conséquence.

Ainsi, octroyer des milliards au secteur agricole malien ne me semble pas une bonne stratégie. Mais alors, comment faire en sorte que les véritables richesses maliennes profitent réellement à la population malienne ?

3 Commentaires:

  • Intéressante analyse, le fait est qu'il n'y a pas de solution miracle pour développer (nos) pays si pauvres. Je crois que la combinaison de facteurs porteurs, pour qu'un pays comme le Mali décolle, ne sont pas évidents à concevoir. Mon raisonnement est simple: il n'existe pas de précedent, d'où peuvent bien venir les recettes à appliquer? Le modèle habituel inspiré de la révolution industrielle est inadapté, je crois que cela explique les hésitations et multiples "tir manqués" ça et là. Il faut peut être procéder par élimination, en choisissant des objectifs réalistes et atteignables.

    Merci pour vos réflexions et ce platform de débat.

    Amicalement (je suis malien)

    Par Blogger Isaka, le samedi, 24 février, 2007  

  • Effectivement, il n'y a pas de solution miracle... On a beau retourner le problème dans tous les sens, toutes les solutions proposées feront des heureux... et des malheureux... Quand même, est-ce que les recettes appliquées dans certains pays asiatiques, très pauvres il y a quelques décennies, et en émergence maintenant, ne pourraient pas être appliquées aux pays africains ?

    Par Blogger Johanne, le lundi, 26 février, 2007  

  • Effectivement, la pollution est également un gros problème. C'est évident dans une ville comme Bamako où le smog est régulier...

    Par Blogger Johanne, le mardi, 27 février, 2007  

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