Entre le monde et l'écran
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jeudi, décembre 28, 2006

Un défilé de mode

Vendredi dernier, avant le congé de Noël, j’ai assisté à un défilé de mode un peu particulier organisé par ARCAD-SIDA, un organisation qui supporte les personnes vivant avec le VIH (PVVIH), en leur apportant un soutien psychologique, médical, etc. L’événement avait lieu pour une cinquième année consécutive et avait pour thème “Bien dans peau, bien dans son corps”. Les femmes, toutes séropositives, ont défilé dans des habits traditionnels propres à leur région d’origine : Gao, Tombouctou, Sikasso, Kayes, etc. En regardant les photos, vous verrez le maquillage un peu particulier de certaines femmes, couvertes de noir jusque sur le menton, jusque sur le front. Ce sont les femmes peuls surtout, d’origine nomades, qui, traditionnellement, se maquillent ici. Vous remarquerez également que certaines femmes ont dessiné des traits noirs sur leurs joues, ou de chaque côté de leurs yeux. Ces traits faits au crayon imitent en fait les scarifications que plusieurs personnes au Mali portent encore. On ne scarifie plus ainsi les plus jeunes, ou en tous cas très rarement. Mais anciennement, dans plusieurs pays d’Afrique, la pratique voulait que chaque enfant qui naissait était scarifié d’une façon bien particulière de façon à toujours pouvoir l’associer à sa région d’origine. Ainsi, une personne bien informée savait qu’une personne qui porte deux lignes de chaque côté des yeux provient de telle région, qu’une autre personne qui porte des cicatrices de chaque côté du nez provient de telle région, et ainsi de suite.

Tout au long du défilé, de nombreuses femmes ont fait des témoignages bouleversants. Il faut dire que la proportion de femmes victimes du VIH/SIDA est de plus en plus élevée. D’abord, physiologiquement, les femmes sont plus vulnérables au virus. Mais surtout, elles sont trop souvent des victimes passives. En effet, alors que tout est mis en oeuvre pour éviter qu’une femme ne soit infidèle, l’infidélité du mari est beaucoup plus tolérée. Dans la mesure où la polygamie est une pratique courante au Mali, elle est même normale. Ainsi, c’est souvent l’homme infidèle qui, le premier, contracte le virus, pour le transmettre ensuite à sa ou à ses épouses.

Presque toutes les femmes qui ont témoigné sont maintenant de jeunes veuves, laissées seules, malades, parfois avec quelques enfants à charge. Alors qu’au Mali, ce sont les maris, puis leur famille à leur décès, qui ont la responsabilité de subvenir aux besoins des femmes et des enfants, une femme séropositive devenue veuve sera trop souvent rejetée par la famille de son mari. En effet, les personnes atteintes du VIH sont très stigmatisées. Pour bien des gens ici, le SIDA est une maladie de pervers, de gens de mauvaise vie. C’est ce à propos de quoi ont témoigné certaines femmes, dont cette femme qui a fait preuve de beaucoup d’humour en attachant à son habit traditionnel des préservatifs gonflés.

Mais le témoignage le plus touchant à mon avis a été fait par la femme qui porte des cacahuètes dans les cheveux. Elle a raconté qu’avant d’être prise en charge par ARCAD-SIDA, elle était tellement malade, son souffle était si faible, que sa famille l’a mise dans le linceul des morts, convaincue qu’elle était déjà morte. Ils ont fait toute une tête quand, sous son linceul, elle a éternué ! Elle a été si bien soignée que, d’agonisante, elle est devenue une personne en forme, pleine d’énergie, capable de défiler et de danser avec les autres femmes.

vendredi, décembre 22, 2006

De joyeuses fêtes à tous !

D'ici Noël, j'espère écrire à nouveau quelques billets. Mais si le temps vient à me manquer, dès maintenant, je tiens à souhaiter un joyeux Noël et de très joyeuses fêtes à tous. Je suis loin de corps, mais d'esprit, je suis tout près ! Amusez-vous bien, reposez-vous bien, et je tenterai d'en faire autant !

Les fêtes approchent !

Eh ! bin oui, à Bamako aussi, on parle des fêtes qui s’en viennent. En plus du Nouvel an et de Noël, que même les musulmans célèbrent de plus en plus, il y a la Tabaski qui tombe le 30 décembre. Il y aura donc ici 3 occasions de faire la fête la semaine prochaine. Et alors qu’au Canada, les lumières de Noël, partout, décorent les rues, à Bamako, ce sont les gros béliers bien dodus qui envahissent la ville ! En effet, traditionnellement, à la Tabaski, chaque homme doit acheter un gros bélier. Plus le bélier coûte cher, mieux c’est, paraît-il. Une personne pourra donc payer plus de 300 000 FCFA, soit près de 800$, pour acheter le bélier qu’il égorgera le jour de la Tabaski. Puisque normalement, chaque homme, même célibataire, doit acheter son mouton, puisque également un homme polygame doit acheter un mouton pour chacune de ses femmes, c’est donc beaucoup de moutons qui seront égorgés le jour de la Tabaski. Et c’est beaucoup de viande qui sera mangée ! Même les chrétiens achètent un mouton qu’ils font égorger par un musulman, question de participer à la fête, et de permettre aux enfants surtout d’y participer.

Quand même, les fêtes, quand on est un expatrié dans un pays comme le Mali où la famille prend une place si importante, c’est un peu particulier. Comme au Canada où chacun quitte la ville pour rentrer dans sa famille pour les fêtes, souvent en campagne, de nombreux Maliens partent passer les fêtes en brousse où, dit-on, « c’est là que ça se passe ». La fête à Bamako est un peu terne, m’a-t-on dit… D'ailleurs, je dois avouer que l'esprit des fêtes se rend difficilement jusqu'à moi cette année.

Malgré tout, je compte bien souligner Noël. Ainsi, je suis allée faire un tour au marché, hier soir. Vraiment, c'était le bon temps pour magasiner. Avec les fêtes qui approchent, tout le monde a besoin d'argent, et il est facile de faire baisser les prix et d'acheter des habits ou des bijoux à bon prix. Puisqu'un voisin musulman m’a invitée à fêter la Tabaski chez lui, en échange, j'ai décidé d'inviter chez moi, le 25, les personnes que je connais qui, comme moi, passent Noël un peu loin de leur famille, ainsi que les musulmans qui ne soulignent que peu ou pas Noël en famille. J’aime bien le deal en tous cas… Sinon, fidèle à la tradition, j'assisterai à la messe de minuit (célébrée ici à partir de 22h) à la grande cathédrale du centre-ville...

jeudi, décembre 21, 2006

Entre ambition et résignation

J'ai vu sur le site Web de Radio-Canada un reportage très intéressant sur le micro-crédit et Nyesigiso, l'organisation même où travaille Nathalie. Il est effectivement impressionnant de voir comment les femmes de Bamako se débrouillent pour joindre les deux bouts. Nombreuses sont celles qui s'installent sur le bord des rues, question de vendre les frites, les beignets ou les haricots qu'elles préparent sur un petit poêle au charbon. Il y a une dame à qui j'achète régulièrement des pommes, des papayes et des bananes qui est assise à côté de son kiosque quasiment tous les jours, jusque tard dans la soirée, même les samedi et les dimanche.

Malheureusement, le discours que j'entends quand je discute avec des gens de mon voisinage est un peu moins encourageant. Tous rêvent d'un avenir meilleur. L'un rêve de devenir un chanteur connu, l'autre rêve d'être recruté par une équipe de basket aux Etats-Unis ou en France. Mais tous se plaignent du chômage et de la pauvreté. La pauvreté ! Chaque jour, on me parle de la pauvreté, on me dit qu'il n'y a pas suffisamment d'entreprises à Bamako... Et quand je demande s'il y a la possibilité ici d'obtenir un prêt de la banque pour démarrer une entreprise, toujours on me répond la même chose : il faut des relations. C'est vrai que les relations, les contacts, sont très importants pour qui a la moindre ambition. C'est vrai même au Canada. Mais d'abord, les relations, ça se construit petit à petit. Et puis avoir des relations ne règle pas tout !... J'ai parfois l'impression que certaines personnes voient en moi, parce que je suis blanche, parce que je suis canadienne, LE contact qu'il leur faut, voire la solution à tous leurs maux. Un Malien m'a d'ailleurs demandé récemment si je pouvais aider les gens d'ici à réaliser leurs ambitions. "Est-ce que je peux aider, moi?" : c'est ce que j'ai répondu... Et franchement, je me demande réellement comment moi je pourrais aider ces gens avec qui je cause le soir après le boulot...

J'ai parfois l'impression qu'il manque à certaines personnes ici ce brin d'enthousiasme, ce brin de motivation nécessaire à la concrétisation des projets. Ce n'est pas vrai pour tout le monde, le reportage de Radio-Canada le montre bien. Et j'ose espérer que ma vision est un peu biaisée, puisqu'au fond, je ne connais pas des tonnes de Maliens. Quand même, il me semble parfois que les Maliens de mon entourage rêvent beaucoup et agissent peu. Facilement, ils se résignent et mettent les échecs sur le compte du destin, plutôt que de se retrousser les manches et réessayer.

De leur côté, les Maliens de mon entourage reprochent aux Canadiens d'être trop programmés, de ne pas accorder suffisamment de temps à la causerie, aux salutations. Je suis d'accord. Trop souvent, l'esprit des Canadiens est fixé sur l'efficacité et la productivité. Les Canadiens oublient parfois l'humain derrière les projets et les ambitions. Mais n'est-il pas possible de trouver un équilibre entre, d'un côté, les causeries à n'en plus finir, les salutions qui expliquent peut-être pourquoi une réunion ne commence jamais à l'heure, et, d'un autre côté, un horaire tellement figé qu'il ne permet plus aucun imprévu ?

Avec un tel billet, je ne souhaite pas attiser les préjugés. Il y a des paresseux, des personnes complètement démotivées et dépourvues de tout enthousiasme au Canada, comme il y a des ambitieux et de grands travailleurs au Mali. Seulement je me demande où se trouve l'équilibre entre l'ambition à outrance, et la résignation à outrance...

mercredi, décembre 20, 2006

Une journée à la piscine

La semaine dernière, je chattais avec ma soeur quand elle me dit tout-à-coup "Tu dois être bronzée maintenant!" Eh! bien non, je ne suis pas bronzée ! Je suis même probablement aussi blanche que ces pauvres canadiens sur la tête desquels tombe la pluie ou la neige depuis plusieurs semaines maintenant. J'ai beau vivre dans un pays où le soleil brille tous les jours, je passe mes journées cachée dans un bureau climatisé. Et comme le Mali est un pays musulman, je prends garde de ne pas trop me découvrir, question de ne pas choquer les gens. Quand je sors, donc, je cache généralement mes bras et mes jambes. Je n'ai jamais osé non plus m'allonger sur ma terrasse en bikini, comme les voisins y viennent régulièrement sans crier gare. Bref, quand ma soeur m'a parlé de bronzage, je me suis dit que je ne pouvais tout de même pas retourner au Canada sans avoir pris un peu de soleil ! Et j'ai décidé de me payer une journée à la piscine.

A Bamako, il n'y a qu'une seule piscine publique, une piscine olympique qui, aux dernières nouvelles, a été vidée de son eau. Les Bamakois qui souhaitent se baigner le font donc dans le fleuve. Mais franchement, je n'ai aucune idée d'où se trouve la plage. Sinon, il est possible de se baigner dans les piscines des hôtels de la ville, moyennant quelques francs... Beaucoup de francs, en fait. Ainsi, pour passer la journée sur le bord de la piscine de l'Hôtel de l'Amitié, j'ai dû débourser 5000 FCFA, soit environ 13$. Les piscines de Bamako sont donc inacessibles pour la plupart des Maliens. C'est pourquoi, autour de la piscine, il y avait presqu'exclusivement des blancs, des toubabs.

Quand même. Je suis au Mali depuis un peu plus de deux mois maintenant, et je dois dire que cette journée à la piscine, bien qu'un peu chère, m'a fait un bien fou. Le contraste entre Bamako et le terrain de l'Hôtel, autour duquel se trouve également un mini terrain de golf, est grand ! Là-bas, il n'y pas de poussière. Là-bas, il y a du gazon, des arbres immenses et des fleurs. Là-bas, c'est à peine si on entend le bruit de la ville. Là-bas, on n'est pas sollicité à tout moment. Ah, vraiment, l'instant d'un après-midi, j'ai eu l'impression que Bamako était loin, loin, loin...

Quand j'ai quitté la piscine, à la fin de l'après-midi, j'étais enfin un peu plus bronzée qu'à mon arrivée. Et j'avais retrouvé l'énergie nécessaire pour affronter la ville et sa circulation chaotique, ses sollicitations incessantes, sa poussière et ses émanations de gaz...

lundi, décembre 18, 2006

Prendre le thé

Les Maliens et le thé, c’est toute une histoire ! À toute heure du jour et de la nuit, les Maliens prennent le thé. Mais prendre le thé, ici, c’est toute une cérémonie, en fait. Rien à voir avec le petit sachet qu’on fait infuser cinq minutes ! En fait, on achète ici le thé vert de Chine, vendu en petits paquets individuels, de 50 à 100 FCFA environ le paquet (10 à 25 sous). Dans un groupe, c’est généralement au plus jeune que revient la tâche de faire le thé. Jusqu’à maintenant, j’ai vu surtout des hommes préparer et prendre le thé. Mais on m’a dit que les femmes savaient également préparer le thé, et que ce sont souvent elles qui le préparent à la maison. Moi-même, quand je me ballade dans la rue, il arrive souvent qu’on m’arrête en m’offrant de prendre le thé, en tous cas dans mon quartier.

Au début, quand on m’offrait un petit verre de thé, j’hésitais un peu, comme on nous recommande toujours de faire attention à l’eau, question de ne pas attraper de parasites. Mais pour le thé, je me dis que, de toutes façons, l’eau doit bouillir. Et il faut dire que l’eau de Bamako, au départ, est bien nettoyée. Elle sent même l’eau de javel, ce qui est bon signe, je dois le dire.

Bref, les occasions de boire le thé, ici, sont très fréquentes. Et elles le sont encore plus depuis que notre gardien a proposé qu’on prépare le thé également à la maison. Il avait déjà chez lui deux petites théières, et je lui ai donné l’argent pour qu’il puisse acheter le petit poêle, le charbon, deux petits verres et puis du sucre. Ainsi, de temps en temps, le soir, on prépare le thé qu’on offre aux voisins de passage.

La fin de semaine dernière, ces mêmes charmants voisins se sont mis dans la tête que c’était à mon tour de servir le thé. J’ai résisté un peu, j’ai dit “Mais moi, je n’ai jamais vu une femme préparer le thé” et puis j’ai demandé “Est-ce que vraiment je suis la plus jeune ici?” Mais finalement, j’ai accepté, car il faut le dire, j’étais quand même un peu curieuse de savoir comment on fait le thé ici. Et franchement, c’est toute une cérémonie ! Et c’est beaucoup de travail !

D’abord, il faut faire chauffer les feuilles de thé mélangées à un peu d’eau. C’est quand ça a bien bouilli que le travail commence. On doit d’abord vider l’eau du thé dans les petits verres, pour voir la quantité qu’on a. C’est ainsi qu’on peut mesurer la quantité de sucre qu’on va mettre dans la deuxième théière. C’est toujours, en fait, beaucoup de sucre qu’on mélange au thé, c’est-à-dire environ un demi verre de sucre pour deux verres de thé, ce qui est vraiment beaucoup ! On verse ensuite le sucre dans la théière, et pour s’assurer que le sucre va bien se mélanger au thé, on vide et revide et revide le thé de la théière aux petits verres. C’est à ce moment que celui qui prépare doit goûter un peu le thé, pour s’assurer qu’il soit assez sucré sans l’être trop.

En vidant le thé tout en soulevant bien haut la théière, le thé forme une mousse. La mousse est très importante. C’est pourquoi d’ailleurs qu’une fois que le thé est bien mélangé au sucre, on doit verser le thé d’un verre à l’autre à plusieurs reprises, question de faire monter la mousse jusqu’à la moitié du verre. Ça, c’est difficile. Moi, chaque fois que j’ai essayé de verser le thé tout en soulevant bien haut la théière, j’ai renversé la moitié du thé dans l’assiette. Mais on me disait “Du thé sans mousse, on n’aime pas trop, nous…” Alors j’ai persévéré, car je voulais vraiment faire du bon thé ! Et puis on m’a dit, en plus, que plus on fait couler le thé ainsi, plus il était doux…

Une fois tout ça terminé, on vide à nouveau le thé dans la théière, que l’on remet sur le charbon, question de le réchauffer un peu. C’est pendant ce temps qu’on nettoie l’extérieur des petits verres, et l’extérieur seulement, car il faut conserver la fameuse mousse dans les petits verres. Quand enfin le thé est chaud, on regarde autour pour voir à combien de personnes on devra servir du thé, et on s’assure de servir à tous au moins une petite gorgée de thé. On sert d’abord la personne à sa droite, et on revide du thé dans les mêmes deux petits verres jusqu’à ce que tout le monde a été servi.

Au fond, ce qui fait que c’est tant de travail, c’est qu’il faut recommencer le manège trois fois. Pendant qu’on sert le premier thé, on ajoute de l’eau dans la théière dans laquelle se trouvent les feuilles de thé, et on fait bouillir le tout. Puis on lave les verres, l’assiette sur laquelle sont déposés les verres… Et on recommence : le sucre, la mousse, goûter, ajouter un peu de sucre, ah ! non, c’est trop sucré, bouillir un peu d’eau supplémentaire, ajouter l’eau au thé, bien mélanger, faire mousser, laver l’extérieur des verres… Ayaye ! On y passe facilement la soirée, hein ! Quand même, c’est agréable, il faut le dire. Les gens s’arrêtent, regardent, surtout quand c’est une blanche qui prépare, on peut rigoler un peu, se moquer d’elle, et si en plus on apprend qu’elle est Doumbia, et donc descendante de forgerons, on lui dit qu’elle doit savoir prendre le charbon en feu avec ses doigts nus… Bref, la soirée que l’on passe à préparer le thé comme ça n’est pas une soirée perdue. C’est une soirée où l’on s’amuse bien, car on prend le temps de discuter. Et comme les Maliens aiment trop discuter, ils préparent le thé à tout moment de la journée, le jour comme le soir, la semaine comme la fin de semaine, au travail comme à la maison.

Tout plein de photos de la préparation du thé sur Flickr : ici, ici, ici, ici, ici, ici, ici, ici, ici, ici, ici et ici.

vendredi, décembre 15, 2006

Meunier, tu dors, ton moulin va trop vite !

J’ai souvent l’impression que les Maliens, et les Africains en général, ne dorment jamais. Je me rappelle notamment, quand j’étais au Burkina, être sortie danser avec des Canadiens et des Burkinabés. Alors que tous les Canadiens étaient assis depuis longtemps, et déjà en train de cogner des clous, les Burkinabés continuaient de sautiller avec entrain ! De même, depuis que Nathalie et moi sommes installées dans Lafiabougou, les voisins nous reprochent continuellement de nous coucher trop tôt (c'est un quartier où "l'on se repose", pourtant, puisque "lafia" veut dire "se reposer")… Vraiment, c’est à croire que les Africains ne dorment jamais !

Mais en fait, je crois avoir un peu percer leur mystérieuse capacité à vivre sans dormir. Hier, j’assistais à une grande rencontre organisée par l’UNICEF. Il était à peine midi quand le monsieur assis à côté de moi, qui frappait des clous depuis un moment déjà, est presque tombé en bas de sa chaise ! Vraiment ! Je n’exagère pas ! C’est même de justesse qu’il a réussi à se relever ! Et quand il s’est relevé, simplement, il a réajusté sa chaise un peu, il s’est rassis bien droit… et il s’est rendormi ! Et à part moi qui me suis franchement retenue pour ne pas éclater de rire, personne ne lui a porté d’attention.

D’ailleurs, il m’est assez fréquent, je dois l’avouer, de voir des gens s’endormir pendant des réunions. Il ne m’est pas rare non plus, quand je me promène en ville en plein coeur de l’après-midi, de voir des gens endormis, tantôt assis sur une chaise à l’entrée d’une boutique, tantôt couchés sur un banc, tantôt plus ou moins couchés sur le siège d’une moto…

Voilà donc peut-être le secret des Africains : ce n’est pas qu’ils ne dorment pas, c’est qu’ils dorment partout et n’importe quand !

jeudi, décembre 14, 2006

L’Harmattan

Quand on me parlait de l’Harmattan, ce fameux vent qui vient du désert du Sahara et qui souffle sur toute l’Afrique de l’Ouest, j’imaginais toujours une tempête de sable, un vent fort qui souffle et qui soulève le sable, le sable qui s’infiltre partout dans les vêtements et dans les yeux et qui pique la peau… Mais quand on est à Bamako, l’Harmattan, en réalité, est un peu moins poétique. L’Harmattan, c’est plutôt un vent tout doux, qui ne souffle que de temps en temps, la nuit surtout, et qui fait alors à peine chuchoter les feuilles des arbres. L’Harmattan, en fait, c’est surtout un vent qui soulève la poussière, une poussière tellement fine qu’on la sent à peine. Mais parce qu’elle est si fine, justement, elle s’infiltre partout, mais absolument partout. C’est elle qui nous oblige à bien protéger nos appareils électroniques : appareils-photos, ordinateurs, etc. Surtout, elle s’infiltre dans les voies respiratoires, et elle rend toute personne qui la respire plus vulnérable aux maladies. Ainsi, ce que ne montrera jamais une photo illustrant l’Harmattan, ce sont bel et bien les microbes qu’il transporte…

L’Harmattan va souffler ainsi encore deux ou trois mois, jusqu’en février environ. On pourrait être tenté de crier “ouf!”, quand enfin le vent cessera de souffler, en mars. Mais en fait, je ne serai pas au bout de mes peines, car alors commenceront les “grandes chaleurs”. Le mercure montera alors jusqu’à 40 degrés, m’a-t-on dit !

Vraiment, je me demande ce qui, entre la poussière et la chaleur, sera plus facile…

mardi, décembre 12, 2006

Une soirée télé

Une soirée télé, ça peut paraître un peu ennuyant. Mais quand ça se passe au Mali, c’est quand même particulier ! Ainsi, ça fait plusieurs fois que M. Sissoko m’offre d’aller regarder la télé chez lui, comme il n’y a pas de télévision chez moi. Chaque fois jusqu’à maintenant, malgré la curiosité, j’hésitais, j’étais mal à l’aise d’aller écouter la télé chez les voisins comme ça… Enfin, vendredi soir, quand il m’a dit “Je pars écouter le film à la télé, tu viens?”, j’ai décidé que, cette fois-ci, j’y allais coûte que coûte !

Première surprise : la télévision se trouvait au beau milieu de la cour. Quand même, il faut dire que c’est assez courant ici. Dans un pays comme le Mali où il ne pleut jamais ou presque, les gens vivent à l’extérieur. Ils causent à l’extérieur, ils cuisinent à l’extérieur, sur le charbon… et ils écoutent la télé à l’extérieur. Ainsi, les maisons sont faites en conséquence : de façon générale, une maison, c’est un mur, sans toit, à l’intérieur duquel il y a une cour, et puis des pièces fermées, parfois reliées entre elles, parfois pas, qui sont elles recouvertes d’un toit. Ces pièces fermées sont généralement des chambres à coucher, exclusivement (pour des photos des maisons de nos voisins, c'est ici, ici et ici).

Quand je suis arrivée chez les Sissoko, tout le monde était donc assis devant la télé, certains sur des chaises style chaises de plage, d’autres sur de petits bancs. On écoutait la seule chaîne de télévision locale, l’ORTM (l’Office de Radio et de Télévision du Mali), et le film dont m’avait parlé M. Sissoko était en fait une télésérie malienne. J’avais un peu de mal à suivre l’histoire, mais essentiellement, il était question d’un homme marié à 4 femmes (de polygamie donc), de jalousie, de mariage, d’infidélité et de choses du genre. Bref, c’était comme tout bon vieux téléroman, cette fois-ci adapté à la sauce malienne, dans un décor malien, et avec des acteurs maliens.

Puis a suivi l’émission Top étoiles, qui met en vedette des artistes de la relève malienne. Le premier artiste est arrivé sur scène, un grand sourire sur le visage, et deux femmes habillées de façon sexy se déhanchaient derrière lui. On a mis la cassette de sa chanson : quand on parle d’un album ici, on dit une “cassette”, car encore rares sont les personnes qui peuvent se payer des lecteurs de CD… on est donc loin encore des lecteurs MP3 ! En tous cas, c’est à peine si le chanteur a bougé les lèvres pour au moins faire croire à du lipsing. Un tel cas, on n’appelle plus ça du lipsing, on appelle ça “je danse sur la musique de ma toune !”. C’était franchement comique. Mais il faut avouer qu’ici, le lipsing est une chose très courante, comme les musiciens et l’équipement de sonorisation coûtent cher. En général, donc, les gens ne s’en formalisent pas et ils applaudissent les artistes avec autant d’intensité que s’ils donnaient un spectacle en direct avec leur vrai voix, de vrais musiciens et tout et tout.

En fait, on se formalise très peu des détails, ici, car dans le cadre de cette émission diffusée en direct, plusieurs images étaient mal focusées, le son était parfois très mauvais, et pareil pour l’éclairage. Mais ça n’a fait chialer personne… En fait, pendant ce temps, les téléspectateurs Sissoko étaient plutôt occupés à allumer un petit feu, question de se réchauffer un peu. Moi, j’ai la chance d’avoir avec moi un chandail de laine, des chaussettes et des souliers fermés qui me tiennent bien au chand quand je veille à l’extérieur. Mais c’est un luxe que tous les Maliens ne peuvent pas se payer… Et puis, peut-être aussi pour se réchauffer un peu, les Sissoko ont préparé un peu de couscous qu’ils ont mélangé à du lait en poudre. Et ils ont bu leur éternel thé ! En tous cas, ça change du pop-corn et du Coke !

Il était près de 2h du matin quand je suis rentrée me coucher. Je bâillais depuis longtemps tandis que les Sissoko, toujours bien réveillés, ont continué de bavarder...

samedi, décembre 09, 2006

Fatigue, quand tu nous prends…

C’est une semaine un peu difficile, je dois l’avouer, qui se termine enfin. Je me suis remise du palu il y a une semaine maintenant, mais j’ai continué de traîner une fatigue qui m’a obligée à me coucher tôt tous les soirs. Il m’a aussi été très difficile de me lever tous les matins à 6h30 pour me rendre au travail. Et au travail justement, comme je devais fermer le dossier d’une activité que j’ai préparée pendant un mois sans y participer au bout du compte, je manquais un peu de motivation. Tout cela explique également pourquoi je n’ai pas blogué cette semaine : toute mon énergie m’était nécessaire pour me rendre au travail, et au retour, je n’avais pas la force de m’asseoir devant mon ordinateur pour pondre quelques textes.

Mais enfin, la fatigue se dissipe, et la motivation revient ! J’ai l’impression d’entreprendre une nouvelle phase de mon séjour. Et j’essaie de porter à nouveau des yeux neufs sur ce qui m’entoure. Parce qu’on a beau dire qu’on se trouve dans un pays tellement différent du Canada, il est tout de même facile de se laisser happer par la routine. Il est facile de fermer un peu les yeux et de ne plus très bien voir ce qui fait du Mali un pays si différent du Canada. J’espère également recommencer à prendre des photos, et ainsi alimenter mon compte Flickr. Je reviens d'ailleurs tout juste d'une petite balade dans un quartier voisin, A.C.I. 2000, et il y a dans ce quartier en plein développement tout plein de choses intéressantes dont je parlerai bientôt !

lundi, décembre 04, 2006

Les Coulibaly en deuil : la suite

Dimanche dernier (pas ce dimanche, mais l’autre d’avant), ça faisait une semaine que le grand frère Coulibaly était décédé. Dès le samedi matin, la maison était pleine de la famille venue de différents quartiers de Bamako. Les Coulibaly m’ont moi-même invitée à aller prendre un peu de thé, et ils en ont profité pour s’amuser un peu avec moi, comme la maison était remplie de Doumbia, que je suis moi-même Doumbia, et que les Doumbia sont les cousins des Coulibaly (voir à ce sujet mon billet sur les plaisanteries à cousinage). Bref, c’est alors que j’étais chez les Coulibaly que le monsieur Coulibaly, Oussmane, m’a dit que le soir même, une cérémonie serait organisée en l’honneur de son grand frère.

Quand je suis revenue chez moi, le soir vers 20h, des chaises et des nattes (de grands tapis) avaient été installées dans la rue, des fluorescents avaient été posés sur les arbres, et une table et une chaise attendaient le prêcheur. Puis la cérémonie a commencé et a duré ainsi jusqu’à 23h environ. Plus la famille est riche, plus la cérémonie sera longue, m’a-t-on dit. C’est pourquoi certaines cérémonies peuvent durer ainsi jusqu’au petit matin. Quand on n’a pas les moyens de payer un prêcheur pour toute une nuit, alors on fait jouer l’enregistrement de ce qui vient d’être dit, une fois la cérémonie terminée. J’ai demandé si les voisins n’étaient pas dérangés par le bruit, alors qu’on a fait jouer la cassette du sermon une bonne partie de la nuit. On m’a dit que non, que les gens étaient habitués et acceptaient cela.

Au cours de son prêche, le marabout a beaucoup parlé du défunt. Il a également parlé du bien, du mal, et il a rappelé les cinq piliers de la religion musulmane, c’est-à-dire :

-La profession de foi (chahada), qui désigne la déclaration en arabe "'Ach-hadou 'al-la 'ilaha 'illallah, wa 'ach-hadou 'anna Mouhammadar-Raçouloullah". Il faut donc témoigner "qu'il n'y a d'autre dieu que Dieu et que Mouhammad est le Messager de Dieu".
-La prière : tous les musulmans doivent accomplir les 5 prières obligatoires de la journée. Elles permettent de se ressourcer et de louer Dieu.
-La Zakât : en arabe, ce terme signifie accroissement et, par extension, purification de la richesse. Tout musulman qui en a les moyens doit donner une partie de ses biens aux pauvres de la communauté. Cette institution a pour but de purifier l'âme du croyant de l'avarice, l'avidité, la convoitise et de cultiver en elle l'esprit de partage et de sacrifice.
-Le jeûne : pendant le mois du Ramadan, de l'aube au coucher du soleil, le Musulman doit s'abstenir de manger et de boire. À chaque instant pendant le jeûne, il réprime ses passions et ses désirs. C'est un moyen pour le musulman de se purifier et de gagner le pardon de Dieu. Ce jeûne a lieu tous les ans pendant le neuvième mois de l'année lunaire.
-Le Pèlerinage à la Mecque : chaque Musulman doit effectuer le Pèlerinage à la ville sainte de La Mecque une fois dans sa vie, si cela est économiquement et physiquement possible.

C’est à ce moment également que le prêcheur a parlé des femmes, qui devaient porter le voile, s’habiller sobrement, etc. Il faut tout de même savoir que, contrairement aux chrétiens qui doivent se découvrir quand ils entrent dans une église, la religion musulmane demande à ceux qui la pratiquent de se couvrir pour prier. Ainsi, les hommes se rendent généralement à la mosquée avec un petit bonnet sur la tête, alors que les femmes se recouvrent la tête d’un voile au moment de prier. Certains hommes portent un chapeau de façon permanente, comme certaines femmes portent le voile tous les jours. Mais de façon générale, les gens se couvrent surtout pour prier, ainsi que le vendredi, jour de prière, comme l’est le dimanche chez les chrétiens.

Dimanche matin, finalement, c’était jour de sacrifice, toujours en l’honneur du défunt. Les plus pauvres n’ont pas toujours les moyens de sacrifier un animal. D’autres vont sacrifier un mouton. Chez les Coulibaly, c’est une vache qu’un marabout a sacrifiée, au milieu de la rue. On m’avait dit que le sacrifice aurait lieu vers 7h ou 8h le matin, et comme j’étais curieuse de voir comment ça se passait, je me suis levée assez tôt. Mais c’était trop tard, j’ai tout manqué, puisque le sacrifice a été fait dès 6h le matin. Les Maliens sont trop matinaux pour moi ! C’est immédiatement après le sacrifice qu’on a préparé la viande avec laquelle ont déjeuné les personnes présentes.

Un peu plus tard dans la journée, Mme Coulibaly est venue donner à Nathalie et à moi deux gros morceaux de viande fraîche. Elle est revenue à plusieurs reprises pour nous remettre également un plat de haricots, un nouveau plat de viande, et des petits beignets. Quand elle est passée me voir, dans l’après-midi, elle n’a même pas daigné s’asseoir, trop occupée qu’elle était à préparer toute cette nourriture. Toute la journée du dimanche, Nathalie et moi avons eu également la visite des enfants qui débordaient de la maison des Coulibaly ! Bref, ce fut une journée fatiguante pour les Coulibaly, mais également pour nous, d’une certaine façon !

Source : http://islamfrance.free.fr/pilier.html

samedi, décembre 02, 2006

Le paludisme

Dans un livre sur la santé à l’étranger que j’ai emmené avec moi au Mali, il est écrit “si vous êtes affecté dans une région impaludée, cette maladie sera probablement votre plus grande préoccupation.” Effectivement, le Mali se trouve dans une région où sévit le paludisme (qu’on appelle aussi “malaria” au Canada). Et effectivement, c’est au quotidien que je dois me protéger de cette maladie. Toutes les nuits, je dors sous un moustiquaire, et je prends soin de bien l’installer sous mon matelas, pour qu’aucun moustique ne puisse passer. Tous les soirs, quand le soleil se couche, je mets sur ma peau de l’anti-moustique, et un peu de citronnelle. Tous les matins, également, je prends un comprimé de Malarone, un antipaludéen. Le Malarone est, en fait, un médicament parmi d’autres prescrit pour prévenir le paludisme. Il coûte très cher (environ 150$ par mois), c’est pourquoi on prescrit parfois le Lariam, qui ne doit être pris qu’une seule fois par semaine. Par contre, comme le Lariam a davantage d’effets secondaires, j’ai préféré payer un peu plus pour prendre le Malarone. Je prends Malarone depuis deux mois maintenant, et bientôt, je passerai à un nouveau médicament, la Savarine, qui coûte beaucoup moins cher (environ 20$ par mois), mais qu’on ne prescrit pas au Canada, allez deviner pourquoi !

Malgré toutes les précautions que j’ai prises depuis mon arrivée au Mali, un moustique porteur du virus du paludisme a réussi à me piquer. Au Canada, on nous parle toujours du palu comme d’une maladie grave. Effectivement, le palu peut parfois tuer. Par contre, il y a différents types de palu et, en réalité, le palu ne tue que dans des cas exceptionnels. D’ailleurs, pour les Maliens, le palu ressemble à un rhume ou à une grippe. C’est qu’en fait, les gens qui vivent depuis leur naissance dans une région impaludée finissent par développer des anti-corps, et ils réussissent à guérir du palu parfois même sans prendre de médicaments, de la même façon qu’au Canada, on passe au travers un petit rhume.

Mais pour le corps d’une Canadienne comme moi, qui n’a jamais eu à affronter ce petit virus africain, le palu, ça frappe ! Autant le dire, depuis mardi, je suis complètement knock-out ! On m’avait dit que, quand on souffrait du palu, on faisait des fièvres incroyables, on transpirait beaucoup, on tremblait, on avait des convulsions, etc. Je n’ai rien eu de tout ça, sinon une petite fièvre. Par contre, le palu m’a jetée à terre ! Il m’a pris toutes mes énergies et il m’a donné des maux de tête incroyables. Je continue toujours aujourd’hui de me sentir un peu faible. Je continue aujourd’hui d’avoir mal à la tête. Mais j’ai revu le médecin ce matin, qui m’a dit que tout ça était normal, et qu’il était temps maintenant pour moi de reprendre des forces, en mangeant bien et en recommençant à faire un peu de sport (ce que j’étais incapable de faire ces derniers jours).

Je dois dire qu’au bout du compte, ce que j’ai trouvé le plus difficile avec le palu, c’est d’être devant l’inconnu. Comme c’est une maladie que je n’ai jamais affrontée, je n’avais aucune idée de comment mon corps allait réagir, je ne savais pas si mes réactions étaient normales, et je ne savais pas quand tout ça allait finir. Ce qui est difficile, également, c’est que, comme les Africains combattent beaucoup plus facilement cette maladie que les Canadiens ou les Européens, ils comprennent mal que je puisse être ainsi, après 4 jours, toujours aussi fatiguée. Quand même, enfin aujourd’hui, je sens que je remonte la pente, je commence à aller mieux, enfin !

Quand la maladie affronte l’agenda

La vie nous réserve parfois de drôles de surprises. Pour la semaine qui se termine maintenant, les pages de mon agenda étaient bien remplies. Toute ma semaine de travail devait être consacrée aux derniers préparatifs en vue de la Journée mondiale de lutte contre le VIH/SIDA du 1er décembre. Depuis un mois, je coordonne la participation à cette journée spéciale des différentes agences du Système des Nations Unies (SNU) à Bamako. Depuis un mois, je participe aux rencontres du Secrétariat exécutif du Haut Conseil national de lutte contre le SIDA, chargé de l’organisation de la Campagne. Depuis un mois, j’organise des rencontres à ce sujet avec différents représentants du SNU à Bamako. Depuis un mois, j’ai envoyé des tonnes d’emails à ce sujet. Depuis un mois, je produis tout plein de documents en vue de cette journée spéciale. Bref, j’ai travaillé sur ce dossier à temps plein depuis mon arrivée au Mali.

Quand j’ai vu le médecin mardi matin, elle m’a dit “Tu ne retourneras pas au travail avant lundi prochain”. Je n’ai rien répondu, mais je me suis dit que “Non, c’est pas vrai, dès jeudi, j’irai mieux, je participerai à ces activités que je prépare depuis si longtemps…” Toute la journée du mardi, j’ai dormi. Toute la journée du mercredi, j’ai dormi aussi, parfois dérangée par le téléphone, par des gens qui voulaient en savoir plus sur la journée du 1er décembre. Il faut savoir que, comme mon téléphone au travail ne fonctionne pas, j’ai pris l’habitude de laisser à tout le monde mon numéro de téléphone personnel. Le mercredi soir, je me sentais mieux, alors le jeudi matin, je me suis rendue au travail. Dès que j’ai été assise avec mes collègues pour la rencontre quotidienne du matin, j’ai senti que je pourrais difficilement durer une journée entière là-bas. Un peu avant midi, je me suis assise, incapable d’en faire davantage. L’une de mes collègues a étendu son tapis de prière sur le plancher, elle m’a couverte de son voile, et j’ai dormi là, sur le plancher de son bureau, jusqu’au retour du chauffeur, qui m’a ramenée à la maison. J’ai donc raté la conférence de presse du jeudi, à laquelle j’étais trop curieuse de participer.

Malgré tout, j’ai continué à penser que le vendredi, je serais mieux. J’avais hâte d’assister à la cérémonie d’ouverture de la Campagne, présidée par le Président du pays lui-même, Amadou Toumani Touré. J’avais hâte d’aller visiter les stands, dont celui des Nations unies, que je prépare depuis un mois. J’avais hâte d’assister aux projections de films du Cinéma numérique ambulant, dont j’ai prévu la participation, tout juste à côté des stands du SNU. J’avais hâte d’assister à l’enregistrement d’une émission spéciale TOP ÉTOILE, présentée tous les vendredi soirs sur la chaîne de télévision malienne, et très populaire ici.

Durant toute la nuit du jeudi au vendredi, je me suis donc demandée “J’y vais ou pas ?” Ça m’a d’ailleurs un peu empêché de dormir. Quand je me suis finalement réveillée, le vendredi matin, j’avais un mal de bloc terrible. Le chauffeur d’ONUSIDA m’a appelée, vers 7h30, il m’a dit “Johanne, qu’est-ce qu’on fait?” J’ai demandé s’il était compliqué de venir me chercher jusqu’à la maison, avant d’aller au lieu de la cérémonie, et j’ai compris que oui, ce serait compliqué, j’ai aussi compris que tout le monde au bureau était pas mal stressé. Quant à moi, j’avais à peine l’énergie pour me déplacer. La réponse à la question que je m’étais posée toute la nuit s’est donc présentée d’elle-même. J’ai dit à Bruno, le chauffeur, de laisser tomber, et il m’a dit que oui, c’était peut-être mieux ainsi, je me remettrais sur pied plus rapidement en me reposant bien… J’ai donc passé la journée du vendredi à dormir à la maison, vêtue de la jupe que je m’étais fait faire dans le pagne (tissu) spécial créé pour la Campagne 2006…

Comme quoi la maladie se fout bien de ce qui est inscrit à nos agendas. Cette semaine en tous cas, le paludisme a pris chacune des pages de mon agenda, et il les a déchirées en mille morceaux avant de les mettre aux poubelles. Je suis déçue… mais ce n’est pas la fin du monde. Avant les projets, avant le travail, toujours, toujours, il y aura la santé…