Entre le monde et l'écran
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mardi, février 27, 2007

Dans les bars de Bamako

Samedi soir dernier, je suis sortie au Djembé, un bar du quartier Lafiabougou où se relaient chaque soir différents groupes ou chanteurs. Ils font tantôt du reggae, tantôt de la musique traditionnelle bambara, tantôt de la musique mandingue... Bref, on trouve de tout pour tous les goûts ! Quelques singularités font des bars de Bamako des endroits très différents des bars du Québec.

Première particularité : alors qu'au Canada, se sont généralement les femmes qui se retrouvent seules sur la piste de danse, tandis que les hommes se contentent d'observer depuis le bar ou leur table, au Mali, se sont surtout les hommes qui se retrouvent seuls sur la piste de danse, tandis que les femmes restent tranquillement assises et observent. Mais quand enfin la soirée lève et que les gens commencent à s'amuser réellement, alors là, ça devient sérieux, et les danseurs, les hommes comme les femmes, dansent tous de façon très suggestive !

Seconde particularité : chaque fois je m'étonne de voir les musiciens jouer avec une telle nonchalance! Leur attitude, l'air de dire "je fais mon travail, faut pas trop m'en demander"... Ils bâillent sans gêne, attrapent un paquet de peannuts qu'ils mâchent lentement, causent tranquillement, tout ça sans s'arrêter de jouer... En tous cas, leur comportement contraste étrangement avec les rythmes joués, souvent très rapides, très enjoués, et qui exigent une énergie sans pareil. En effet, aux guitares électriques et batteries se mêlent les djembés, tamanis et autres instruments traditionnels qui nécessitent une force physique et une très bonne coordination.

Troisième particularité : il est toujours un peu étrange de voir les personnes présentes dans le bar offrir des pourboires aux chanteurs et musiciens en déposant des billets de 1000, 2000 ou 5000 FCFA tantôt sous le chapeau, tantôt dans les lunettes, tantôt dans les vêtements des musiciens. C'est peut-être à cause de la tradition des griots. Considérés comme les dépositaires de la tradition orale, ils sont fort répandus chez les Mandingues (une ethnie au Mali). Ceux-ci sont des musiciens ambulants, professionnels presque de naissance, puisqu'ils font partie d’une caste. On les reconnaît à leur nom de famille : Kouyaté, Diabaté, Dramé, Niakaté, Soumano... Ils chantent les louanges d'une personne ou d'une famille, à l'occasion des fêtes telles que les mariages et baptêmes, où l'on ne peut pas refuser leur présence. Ils y vantent les mérites de certaines personnes... pour gagner de l'argent, justement.

Samedi soir d'ailleurs, une griotte a soudainement volé le micro au monsieur qui chantait tranquillement. Sa voix était si puissante... son chant si plein d'émotions... Vraiment, c'était beau à entendre !

lundi, février 26, 2007

Être chrétien au Mali

Le Mali est un pays à majorité musulmane. Tout au plus 5% de la population est chrétienne. Quand même, il y a des églises dans chaque quartier, catholiques et protestantes, et il y a une grande cathédrale au centre-ville, qui se remplit chaque dimanche. J'y suis allée à quelques reprises, pour entendre la chorale d'une vingtaine de personnes chanter accompagnée des djembés. Les voix et les djembés se font écho entre les murs de pierre de la cathédrale, et c'est franchement très beau ! Il est aussi très intéressant d'entendre les sermons de ce prêtre blanc qui ne fait pas dans la langue de bois ! C'est une expérience culturelle très intéressante.

Bien que fortement minoritaires, les chrétiens sont généralement très pratiquants, et c'est souvent avec une pointe de fierté qu'ils me demandent si moi-même je suis chrétienne, catholique ou protestante. Et ça leur fait toujours bien plaisir d'apprendre que "je suis des leurs", puisque j'ai été baptisée. Par contre, peut-être parce qu'ils sont fortement minoritaires, j'ai souvent l'impression que les chrétiens maliens se sont donné comme mission de ramener tout chrétien dans le droit chemin de la foi et de la prière.

Ainsi, vous étiez au courant ? Mercredi dernier, c'était Mercredi des cendres, et le carême est commencé depuis presqu'une semaine maintenant. J'ai rencontré depuis deux chrétiens (Bruno et une certaine Jeanne qui habite mon voisinage) et tous deux n'ont pas manqué de me demander si je faisais carême. "Eeee... ah ! oui, bon, c'est commencé déjà ? Le temps passe tellement vite !... Glurp !" Bruno ne manque aucune messe du dimanche, pas même celle du 24 décembre au matin, qui précédait d'à peine quelques heures la messe de Noël, tandis que Jeanne m'a généreusement dressé l'horaire complet des services à l'église de Lafiabougou (tous les mardis, jeudis et samedis à 18h30 et le dimanche matin à 8h) et à la cathédrale (tous les matins à 6h30 et tous les soirs à 18h30, en plus des réunions du renouveau charistmatique - ou quelque chose du genre - et des messes du dimanche). Quant à elle - il ne faudrait tout-de-même pas être plus catholique que le pape - le boulot ne lui permet d'assister qu'au service quotidien de 18h30. A raison d'une messe par jour, rassurez-moi s.v.p., elle a déjà gagné son ciel, non ?!

Quant à moi, je crois que je l'ai un peu déçue en lui disant que je ne faisais pas abstinence. Mais si je n'ai pas encore gagné mon ciel, j'ai sûrement gagné quelques kilos depuis mon arrivée au Mali. Ainsi, Jeanne m'a presque convaincue à faire carême en me disant qu'ainsi, non seulement je me rapprocherais du paradis, mais en plus, je perdrais les kilos que j'ai pris depuis que je suis au Mali ! On peut toujours rêver...

jeudi, février 22, 2007

Le Mali, un pays riche ?

Ce matin, la une de L’Essor (quotidien malien) a attiré mon attention : « Mécanisation agricole : tracteurs made in Mali ». N’est-il pas incroyable de constater que, dans un pays comme le Mali, on parle encore de mécaniser l’agriculture ? Au Canada, la mécanisation de l’agriculture est une vieille histoire ! Même que, virage vert oblige, on favorise de plus en plus l’agriculture biologique, qui encourage les agriculteurs à laisser tomber certaines technologies (produits chimiques, hormones, vaccins).

Ainsi, une unité d’assemblage de tracteurs a été construite (par les Chinois, dont la présence au Mali est indéniable !), car, nous apprend L’Essor, « la mécanisation de l’agriculture est une cause chère au chef de l’Etat. » Amadou Toumani Touré souhaite, en effet, faire du Mali une puissance agricole. Les 16 tracteurs qui seront produits chaque jour devraient « contribuer à impulser la révolution agricole. »

Eh ! bien. Je suis perplexe ! Certes, l’économie malienne est essentiellement basée sur l’agriculture. Mais vous avez vu un peu le paysage ? C’est le désert, ici ! Il y a de la poussière partout, et il n’a pas plu depuis octobre. Certaines rivières sont à sec, et à certains endroits sur le fleuve, les pinasses ne peuvent circuler en saison sèche. Est-ce réaliste de miser ainsi sur l’agriculture pour faire progresser l’économie du pays ? Certes, de nombreux spécialistes (agronomes, vétérinaires, biologistes, ingénieurs, etc.) travaillent fort pour mettre sur pied des systèmes de gestion de l’eau efficaces. Et ma visite aux Pays dogons, où on réussit à faire pousser des légumes dans le sable et le roc, littéralement, me permet de croire que les miracles existent. Malgré tout, l’eau n’est pas une ressource qui déborde de potentiel au Mali, surtout avec l’avancée du désert et les changements climatiques, qui rendent la pluie de plus en plus rare, et la période des grandes chaleurs de plus en plus précoce !

Il y a quelques semaines, j’ai discuté un peu avec des gens de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI). Selon eux, l’un des problèmes d’un pays comme le Mali est qu’il ne priorise pas les bonnes activités. Il dépense des milliards à des projets sans grand potentiel, et il néglige des secteurs porteurs, notamment l’éducation. Bon, d’accord, je vous entends venir : la Banque mondiale et le FMI ne sont pas sans reproches. Certes, ces institutions sont souvent situées à la droite du spectre politique, et généralement, elles mettent de l’avant le développement économique d’un pays, parfois aux dépens de la qualité de vie de ses habitants. C’est en tous cas, résumé très grossièrement, ce qu’on leur reproche. Quand même, pour l’exemple de l’agriculture, je suis assez d’accord avec MM. Banque mondiale et FMI. Pourquoi mettre tant d’argent dans le secteur agricole, quand le système de l’éducation, par exemple, est dans un état pitoyable ? Il n’y a pas une année qui passe sans que les étudiants ou les professeurs tombent en grève. Cette année seulement, les professeurs d’université sont en grève depuis octobre ! Autant le dire, les étudiants sont déjà résignés à perdre cette année scolaire…

Par ailleurs, malgré tout l’espoir mis dans des secteurs comme l’agriculture, celle-ci dépend en grande mesure de l’aide externe. Outre la collaboration des Chinois, l’unité de production des tracteurs a été créée en grande partie grâce à l’apport fructueux de la coopération indienne. Pourtant, bien que le Mali soit l’un des pays les plus pauvres au monde, il regorge de richesses. Son sous-sol, notamment, déborde de minéraux (le Mali est la troisième réserve d’or après l’Afrique du Sud et le Ghana), tandis que le nord devrait voir sortir d’ici 2008 ses premiers barils de pétrole. De telles richesses créent des emplois, bien sûr. Ce n’est pas une mauvaise chose dans un pays où le taux de chômage frôle les 15%. Mais il semble que ces richesses profitent davantage aux multinationales sud-africaines, américaines, canadiennes ou suisses (ici, un article sur le sujet d’un quotidien suisse - l'article date un peu, mais il demeure très intéressant). De plus, l’arrivée massive d’expatriés fait monter en flèche le coût de la vie, tandis que les salaires des employés locaux n’augmentent pas en conséquence.

Ainsi, octroyer des milliards au secteur agricole malien ne me semble pas une bonne stratégie. Mais alors, comment faire en sorte que les véritables richesses maliennes profitent réellement à la population malienne ?

Bintou Wèrè, l'Opéra du Sahel

Dimanche dernier, j'ai assisté à la première de l'Opéra du Sahel. Le spectacle, extérieur, était présenté au Palais de la culture, sur le bord du fleuve, avec en arrière-scène les lumières de la ville. Ils sont plus d'une centaine de musiciens, d'acteurs et de danseurs à participer à ce spectacle qui intègre des chants à la fois en bambara, en wolof (la langue des Sénégalais), en malinké, en mooré (la langue des Mossis du Burkina), en peul (la langue des éleveurs nomades), etc. Originaires du Mali, du Sénégal, de Guinée, du Burkina Faso, de Guinée-Bissau et du Tchad, ils sont souvent célèbres dans leur pays d'origine, voire en Afrique de l'ouest, et leur talent est grand ! Bref, oui, la distribution est impressionante.

La mise en scène, le jeu des couleurs et le jeu des lumières sont aussi magnifiques. On imite avec beaucoup de talent la lumière du petit matin, du jour et de la nuit. Et les spectateurs ont été très impressionnés quand des acteurs sont venus, en cours de spectacle, sur des pirogues depuis le fleuve. Vraiment, c'est un beau spectacle, créé à l'initiative du prince Claus des Pays-Bas, qui souhaitait créer un opéra africain.

Par contre, sans un narrateur qui explique un peu le déroulement de l'histoire, c'est un peu difficile à suivre. Peu à peu, en glanant des informations chez le spectateur de droite, qui comprend le bambara, puis chez celui de gauche, qui comprend le wolof, on finit par comprendre qu'il est question de l'émigration clandestine - un sujet chaud en Afrique de l'ouest. En effet, ils sont nombreux les Maliens, les Sénégalais, les Burkinabés, etc. à s'embarquer sur des pirogues, à traverser le désert, au risque de leur vie, dans l'espoir d'une vie meilleure en Europe. Sinon, il est aussi question de la pauvreté, de la disparation des valeurs sociales, de l'invasion des criquets pélerins et de la famine.

Mais même pour un spectateur africain, l'histoire est difficile à comprendre : pour bien apprécier un tel spectacle multi-langues, il faut effectivement connaître toutes les langues utilisées. Même les Maliens, qui comprennent souvent plusieurs des langues parlées au pays, ne connaissent pas nécessairement le wolof ou le mooré par exemple. Ainsi, le spectateur à ma droite m'a traduit, avec beaucoup de générosité, les parties en bambara, qu'il pouvait comprendre. Mais ce n'était pas suffisant pour bien suivre le fil du récit. D'ailleurs, je ne sais pas si c'est typiquement africain comme attitude, mais tout au long du spectacle, les spectateurs se sont exprimés haut et fort ! J'ai vite réalisé que la plupart, tout comme moi, ne comprenait pas grand-chose à ce qui se passait :

-Hé, tu comprends quelque chose toi ?
-Hé, qu'est-ce qui se passe, maintenant ?
-Hé, c'est quoi le rapport ?
-Qu'est-ce qu'il dit ? Qu'est-ce qu'il dit ?
-C'est qui celui-là ?

Malgré tout, quand un spectateur retardaire s'est pointé, cachant la scène à d'autres déjà assis, on ne s'est pas gêné pour lui crier d'aller s'asseoir, et plus vite que ça ! En tous cas, outre le spectacle lui-même, la réaction des spectateurs était un spectacle en soi ! Ainsi, j'ai trouvé les spectateurs, au bout du compte, assez mauvais public. Bien que l'histoire est un peu difficile à suivre, il s'agit d'un spectacle magnifique qui n'a pas été applaudit à sa juste valeur, à mon avis....

mercredi, février 21, 2007

Quand l'inhabituel devient quotidien

Déjà, c’est dans moins de trois semaines que je terminerai de travailler avec ONUSIDA-Mali. Déjà, j’ai commencé à me préparer mentalement à mon retour au Canada. Est-ce pour cette raison, j’ai recommencé à remarquer des situations, qui font désormais partie de mon quotidien et qui sont donc habituelles pour moi, mais qui sortent de l’ordinaire lorsque mises dans un contexte canadien ou québécois.

Par exemple, j’ai pris le taxi samedi soir dernier, après être sortie danser. Comme toujours, j’ai dû négocier le prix de la course. En route, le chauffeur a pris de nouveaux clients, qu’il a déposés après m’avoir laissée à la maison. L’avantage, quand le taxi prend de nouveaux clients en cours de route, c’est qu’il est possible de négocier le prix de la course à la baisse. Toujours en chemin, il s’est arrêté pour mettre du carburant. Peut-être parce qu’il était tard dans la nuit, il s’est stationné non pas dans la cour de la station d’essence, mais en bordure de la route, il a rempli un bidon d’essence, qu’il a ensuite versé dans le réservoir. Les clients assis en arrière ont profité de l’arrêt pour mettre dans le coffre le pneu de secours qui était resté sur le siège arrière, et sur lequel ils avaient été obligés de s’asseoir. Bien sûr, monsieur taxi n’avait pas la clé pour redémarrer la voiture : c’est le genre de choses dont on ne se formalise même plus tellement c’est fréquent ! C’est donc en mettant deux fils en contact que le bazou a redémarré, en brassant à la manière d’un vibromasseur ! La voiture s’est arrêtée à quelques reprises, et c’est avec un doigté impressionnant qu’à chaque fois, le chauffeur l’a redémarrée, sans même s’arrêter de conduire ! Si une telle balade peut sembler pittoresque, il faut savoir qu’à Bamako, ce genre de situation est banal.

Dans le même ordre d’idées, il n’est pas rare qu’un sotrama bondé de clients s’arrête sur son parcours pour mettre de l’essence. Il m’est aussi arrivé qu’un chauffeur de sotrama dans lequel il n’y avait pas suffisamment de clients décide de laisser ses rares clients sur le bord de la route, pour ensuite rebrousser chemin, chercher un parcours plus lucratif. En effet, il faut savoir que le transport en commun à Bamako n’est pas un service public, et que la rentabilité d’un sotrama dépend du nombre de personnes qui y montent. Il ne faut donc pas se surprendre si c’est toujours serrés comme des sardines, assis les uns sur les autres, qu’on se promène en sotrama !

On pourrait penser qu’au Canada, ce genre de situations n’existe pas grâce à nos lois. C’est peut-être vrai en partie, mais il faut tout de même savoir qu’au Mali aussi, il existe un code de la route. Mais en matière de circulation, les Maliens sont incroyablement indisciplinés. Il n’est pas rare, par exemple, de voir des policiers responsables de la circulation engueuler carrément des conducteurs, en plein milieu de la rue, alors que tout le monde autour klaxonne. De même, bien que, depuis le 1er février, le port de la ceinture de sécurité est obligatoire, nombre de voitures n’en sont pas équipées ! Ainsi, je suis montée récemment dans une voiture de taxi dans laquelle le conducteur avait patenté une ceinture avec un cordon de caoutchouc qu’il avait attaché… au frein à main (break à bras en français de chez nous) ! Très sécuritaire, pas vrai ?! Bref, on a beau faire des lois, encore faut-il que les gens aient les moyens de les respecter ! Et puis, outre la question de moyens, il faut dire que les policiers maliens, comme la plupart des policiers africains je crois, sont réputés être corrompus. Ils bénéficient d’une confiance très minime de la population, qui préfère bien souvent faire sa propre loi…

mardi, février 20, 2007

Chaude Afrique

Il fait chaud ces temps-ci en Afrique de l’ouest ! Et je ne parle pas seulement de la température !

En Guinée-Conakry, voisine du Mali, une grève générale paralyse le pays depuis plus d’un mois et a fait déjà plus d’une centaine de morts. Les syndicats sont à l’origine de la grève générale, lancée le 10 janvier, et dirigée contre la corruption et l’ingérence dans les affaires judiciaires du président, Lansana Conté. En décembre dernier, l’homme d’affaires Mamadou Sylla et l’ex-ministre Fodé Soumah, tous deux accusés d’avoir détourné 2 millions d’euros, ont été libérés sur ordre du président lui-même. C'est ce qui a scandalisé le pays. La grève a été suspendue le 28 janvier, suite à un accord entre les syndicats, le patronat et le gouvernement, prévoyant des mesures sociales ainsi que la nomination d’un Premier ministre de «consensus». Mais elle fut réactivée le 12 février dernier, après que Eugène Camara, jugé trop proche de Conté par les syndicats, ait été nommé Premier ministre. Les manifestants, ainsi que les syndicats et les partis de l’opposition, ont alors exigé la démission du président Conté, qui est au pouvoir depuis 23 ans. Depuis, le pays est en état de siège : les réunions sont interdites, tant en public qu’en privé, tout comme les cortèges, défilés et manifestions, et un couvre-feu empêche la population de sortir 20h sur 24. De plus, de sévères restrictions sont imposées à la presse. C’est la deuxième fois en 6 mois qu’une grève massive est lancée en Guinée. Les Etats-Unis, déjà, ont évacué du pays leurs ressortissants, et certains craignent une guerre civile. D’ailleurs, la situation en Guinée attire de plus en plus l’attention internationale.

Pendant ce temps, au Sénégal, on prépare l’élection présidentielle, prévue pour le 25 février. En tout, 15 candidats sont en lice, dont les principaux : Idrissa Seck, ancien chef du gouvernement sénégalais, et Abdoulaye Wade, l’actuel chef de l’Etat. Pour la première fois depuis 1960, les militaires, gendarmes, policiers, douaniers, agents des services des Eaux et Forêts, etc. ont été autorisés à voter, huit jours avant les civils, grâce à une loi votée en juin 2006. Depuis l’indépendance du pays en 1960, ils étaient privés de vote. La campagne électorale se déroule dans une ambiance plutôt calme, mais plusieurs dirigeants de l’opposition ont été arrêtés, le 27 janvier dernier. Ils manifestaient pour protester notamment contre «le découplage des élections présidentielle et législatives» et «pour un respect des institutions et du code électoral sénégalais».

Enfin, au Mali, on prépare également les élections présidentielles, prévues pour avril prochain. Pour l’instant, tout indique que c’est le président actuel, Amadou Toumani Touré, qui sera reconduit au poste de président. En effet, l’Alliance pour la démocratie et le progrès compte désormais 33 partis politiques qui se sont engagés à assurer la réélection du président Touré, en poste depuis 2002. Cette convergence en faveur d’ATT réduit le nombre d’acteurs disposés à se présenter à l’élection présidentielle, outre les difficultés financières. De plus, on reproche à l’ORTM (la radio et télévision publique du Mali) d’offrir un traitement médiatique favorable à l’équipe d’ATT.

Les élections présidentielles maliennes sont de plus teintées du scandale ATT-Cratie : un livre publié aux Editions l’Harmattan l’automne dernier par un auteur anonyme, Le Sphinx, présente le pouvoir ATT comme une dictatures sont des régimes autocratiques). C’est une accusation grave pour un pays souvent considéré, à l’étranger, comme une démocratie exemplaire en Afrique. Depuis, un procès en diffamation a été intenté contre les Editions l’Harmattan par des citoyens maliens ou étrangers cités comme étant impliqués dans des malversations. En retour, de nombreuses personnalités, notamment des dirigeants du secteur privé, ont été cités comme témoin par l’Harmattan : le président de l’Assemblée nationale, le président du Conseil Economique, Social et Culturel, le président de la Chambre de Commerce et d’Industrie et le président de l’Ordre des Architectes.

Radio France Internationale (RFI) publie régulièrement des articles sur la situation en Guinée.

Afribone publie tous les jours les grands titres des principaux journaux maliens.

lundi, février 19, 2007

La noix de kola

La noix de kola : au Mali, on la trouve partout, au marché notamment. Surtout, elle est de toutes les occasions ! Quand j'ai visité les Pays dogons, l'un des touristes que j'accompagnais avait eu la bonne idée d'en emmener une bonne quantité : à chaque village où on s'est arrêtés, les vieux du village nous demandaient quelques noix de kola, qu'ils prennent plaisir à mâcher pendant des heures. Pour accueillir un invité de marque, on offre la noix de kola. Quand un homme souhaite demander la main d'une femme, sa famille va déposer la kola dans la famille de la fiancée. Et vice-versa. Quand l'entreprise de télécommunications Ikatel a changé de nom pour devenir Orange Mali, on a annoncé l'événement en présentant sur de grandes publicités des photos de la noix de kola. Bref, la noix de kola a une grande valeur symbolique.

En passant devant les étalages de kolas du grand marché, en fin de semaine, je me suis dit que je ne pouvais quand même pas quitter le Mali sans avoir croqué une noix de kola. J'en ai donc acheté quelques-unes, que j'ai goûtées une fois à la maison. Autant le dire, c'est dégoûtant. C'est beaucoup trop amer ! J'ai tout recraché, et j'ai laissé les noix restantes sur la table de la cuisine. Mais c'était sans savoir à quel point la noix de kola a une valeur symbolique ! Par hasard, cette journée-là, plusieurs personnes sont passées à la maison : Yssouf, Sam, Ousmane, Kofi... En fait, les noix de kola ont une telle symbolique, au Mali, que tous n'ont pu s'empêcher de demander qui avait déposé les noix, et surtout pour quelle raison ! Maintenant, la rumeur court que quelqu'un s'est fait demander sa main, à la maison ! Mais les gens de mon quartier aiment tellement les potins ! On leur a donc caché la vérité, pour le plaisir d'écouter leurs 100 000 hypothèses sur le pourquoi et le comment de la présence de noix de kola chez nous !

jeudi, février 15, 2007

J'ai vu hier dans un sotrama...

... une femme qui portait une longue robe noire, le visage complètement recouvert d'un voile noir, les yeux également, et qui avait aussi recouvert sa tête d'un foulard, noir, toujours. Quand elle a sorti quelques francs pour payer le sotrama, j'ai regardé ses mains et, oui, effectivement, elle portait des gants, noirs également. Quand elle a soulevé un peu sa robe, avant de descendre du sotrama, j'ai regardé ses pieds, et, bin oui, sous ses sandales, noires, elle portait des chaussettes, noires aussi. Pour une fois, les enfants dans le sotrama observaient quelqu'un d'autre plus que moi et ma peau blanche. Et quand la femme voilée a déambulé dans la rue tout près de moi, après être descendue du sotrama, encore une fois, j'ai senti que, pour une fois, ce n'était pas moi qui attirait le plus d'attention. Paradoxalement, quand la femme voilée a émis un commentaire, dans le sotrama, on l'a à peine regardée, sinon du coin de l'oeil. D'ailleurs, je dois dire qu'il était un peu étrange d'entendre ainsi quelqu'un s'exprimer sans pouvoir voir l'expression de son visage. En fait, je dois l'avouer, pour ma part, un tel accoutrement me choque. Je trouve cette façon de se couper du monde presque arrogante. Comme si cette femme me disait, en se voilant ainsi : "Voilà, je n'ai aucun intérêt à établir un contact avec toi, ce que pensent les êtres humains, je n'en ai rien à foutre, je n'ai d'intérêt que pour le jugement de Dieu..." Bien sûr, on peut arguer que, peut-être les femmes voilées sont accoutrées ainsi non par choix, mais parce que ça leur fut imposé, par leur mari, ou par leur famille. Cependant, mes observations (pas du tout scientifiques soit dit en passant) me laissent croire qu'au moins certaines de ces femmes s'habillent ainsi par choix. D'ailleurs, même si je vois assez rarement des femmes voilées à Bamako, chaque fois, elles me semblent agir avec agressivité, elles me semblent agir come si tout leur était dû...

En tous cas, avec un tel billet, je fais peut-être la preuve de mon manque flagrant de connaissance de la religion musulmane. Je fais peut-être la preuve de mon étroitesse d'esprit. Mais il n'en reste pas moins que ma première réaction, quand je vois une femme voilée, ce n'est pas la pitié, ce n'est pas l'incompréhension, mais bien un réel inconfort qui ressemble à de l'exaspération !

mardi, février 13, 2007

De retour !

Je suis revenue samedi soir des Pays dogons. J'espère écrire un plus long billet à ce sujet bientôt. Mais pour être brève, un seul mot : "Wow!" Bien que, depuis des mois, on me dit "Tu dois aller aux Pays dogons", je n'avais aucune attente. Je n'ai jamais lu le livre "Dieu d'eau", de Marcel Griaule, qui a rendu les Dogons célèbres. Je n'ai jamais vu les films de Jean Rouch. Franchement, au risque d'étaler au grand jour mon manque de culture, je n'avais jamais vraiment entendu parler des Dogons avant de venir au Mali. Bref, vraiment, je n'avais aucune attente. Mais l'endroit vaut le détour. Bon, "détour", c'est peut-être un peu faible. En réalité, se rendre aux Pays dogons depuis Bamako, c'est la galère ! Je me suis d'abord tapée 10h - oui, oui, 10h !!! - dans un car, frais et confortable entre 7h et 9h, mais surchauffé pour le reste du voyage. Vraiment, je suis rentrée à Mopti complètement trempée ! Mais Mopti est une si belle ville, baignée par deux fleuves : le Niger et le Bani. J'ai donc rapidement oublié la fatigue du voyage. Déjà, là-bas, où les Peuls, les Touaregs, les Bozos et les Dogons sont plus nombreux qu'à Bamako, on sent qu'on s'est rapproché du nord du pays.

Depuis Mopti, on s'est rendu à Bandiagara en 4x4 sur une route goudronnée (64 km de confort !), puis on a roulé en direction de Dourou... cette fois sur une piste non-goudronnée (difficile pour le dos !). C'est pour dire, on a mis 2h pour faire 30 km... Enfin, on a laissé le 4x4 pour marcher quelques kilomètres au travers la falaise, jusqu'au village de Nombori, où on a passé la nuit. Chaque distance franchie réservait une surprise : d'abord une falaise impressionnante après une balade sur les rochers, puis un désert à perte de vue passée la falaise, et puis des jardins verdoyants sur une terre tellement ingrate, hostile, faite de falaises, de rochers et de sable...
Et une fois arrivés à Nombori... La tranquilité, la sérénité du village... J'ai oublié le bruit, la pollution et le stress de Bamako d'un coup ! Pourtant, c'était jour de marché. Mais même au marché, il y avait une atmosphère de fête, et les gens étaient sereins, souriants. Le soir, le marché s'est transformé en marché de bière de mil (qu'on appelle aussi le dolo) et là, vraiment, l'ambiance était à la fête, avec tous ces enfants qui couraient pour acheter de petits beignets, le dah ou les galettes de mil. Pour couronner le tout, les étoiles brillaient à Nombori comme elles ne brillent nulle part ailleurs !

lundi, février 05, 2007

Je m'absente pour quelques jours...

Je pars demain matin visiter le Pays dogon ! Itinéraire prévu : Bamako, Mopti, Bandiagara, Sangha, Mopti, Djenné, Bamako. Retour prévu : samedi... avec plein de photos et de nouveaux billets, inch'allah !

Comprendre son rôle

J’ai commencé à travailler avec l’équipe d’ONUSIDA-Mali il y a presque 4 mois maintenant. Mais je dois l’avouer, j’ai mis un temps fou avant de comprendre mon véritable rôle au sein du groupe. Encore aujourd’hui, c’est un peu vague pour moi. C’est qu’en fait, la mission même d’ONUSIDA, le Programme Commun des Nations Unies sur le VIH/SIDA, est difficile à comprendre. Sa mission est très générale :

-Prévenir la propagation du VIH ;
-Offrir des soins et appuis aux personnes vivant avec le VIH (PVVIH) et affectées par le VIH/SIDA ;
-Réduire la vulnérabilité des personnes et des communautés au VIH/SIDA ;
-Atténuer les retombées humaines et socio-économiques de l’épidémie.

Dans la réalité, ONUSIDA agit au niveau des politiques et des stratégies, au niveau juridique. Sans entreprendre directement ce qui peut être effectué par d’autres, l’équipe d’ONUSIDA doit faciliter les efforts et combler les lacunes, en plus d'encourager le partenariat aux niveaux international, régional et national. Bref, ONUSIDA, essentiellement, c’est un organe de coordination, un facilitateur sensé mettre en contact tous les acteurs de la lutte contre le VIH/SIDA dans le pays.

Ainsi, alors que je m’attendais à faire pour ONUSIDA des communications (écrire des communiqués de presse, des dépliants, des textes pour diffusion, planifier la participation d’ONUSIDA à divers événements, etc.), en réalité, je coordonne le travail de communicateurs employés par les partenaires (nombreux) d’ONUSIDA.

Le problème avec le travail de coordination, c’est qu’il est toujours plus ou moins compris, comme il est difficile d’en définir les limites, et comme les résultats d’un tel travail sont rarement palpables. Ainsi, pour chaque dossier que je traite, je dois fixer mes limites, question de ne pas prendre à ma charge le travail des autres, tout en m’assurant que le travail se fait effectivement. Car il faut le dire, du moment où un travail est fait en partenariat, la négociation est constante : qui fait quoi ? qui fournit quelles ressources ? etc. Plus les partenaires sont nombreux, plus les négociations sont fréquentes. Et tant que les limites sont floues, les négociations sont difficiles.

Bizarrement, il me semble de plus en plus fréquent que des employeurs confondent le travail des communicateurs à celui des coordinateurs. Il est vrai que les diplômés de programmes de communication sont bien préparés au travail de coordination, notamment parce qu’on exige d’eux une bonne culture générale et un réseau de contacts bien développé. Malgré tout, il s’agit d’emplois fort différents. Alors que le communicateur a pour principale tâche de créer des produits de communication destinés à un public plus ou moins large, le coordinateur a pour responsabilité de mettre en contact les différents partenaires de son organisation. Mais écrire des emails et passer des coups de fil n’est pas un travail de communication à proprement parler. Un tel travail ressemble davantage à de la gestion. Alors que le communicateur produit du concret et que le gestionnaire produit de l’abstrait (oui ou non?), que produit le coordinateur ?...

vendredi, février 02, 2007

Dossier architecture

Il y a quelques jours, on m’a questionnée sur les maisons de Bamako, leur architecture. Je ne suis pas une spécialiste de la question, mais il est vrai que, quand je présente des photos des maisons de mon quartier, l’architecture peut sembler assez peu développée. Les maisons de mon quartier, Lafiabougou, sont généralement construites en banco, avec toit en tôle, et les déchets déposés directement dans les rues donnent à l’ensemble un aspect un peu misérable. Les maisons de mon quartier sont en fait organisées selon un ancien modèle, et elles sont destinées à recevoir une famille nombreuse, du grand-père à la petite fille. Elles s’articulent autour d’une cour centrale, où l’on fait la vaisselle, la cuisine et la lessive. C’est là aussi que se déroulent les cérémonies officielles : mariages, baptêmes, fiançailles. Au centre de la cour se trouve un puits, et les toilettes, non couvertes, sont situées le long du mur qui ceinture la maison. Mais le quartier que j’habite, populaire, n’est pas représentatif de Bamako dans son ensemble. S’il y a des gens très pauvres à Bamako, il y a aussi des gens très riches.

Ainsi, outre les quartiers plus anciens de Bamako, il existe des quartiers riches au sein desquels on construit des maisons de style villas. C’est le cas du quartier ACI 2000, voisin de Lafiabougou, où le développement résidentiel est rapide. Le quartier, autrefois occupé par l’ancien aéroport de Bamako, a été acheté en masse par les Sarakolé, aussi appelés les Soninké, une des ethnies qui peuplent le Mali.

Les Sarakolé sont en fait, par tradition, de grands voyageurs. Ainsi, nombreux sont ceux qui se sont expatriés vers les pays côtiers ou en France. On dit même que, dans les années ’60 et ’70, les Sarakolé étaient le symbole de l’immigré africain en France. On reconnaît les Sarakolé à leur nom de famille : Diagouraga, Sylla, Diawara, Doucouré, Diaby, Bathily… et on reconnaît leurs femmes aux nombreux bijoux qu’elles portent, notamment au nez et aux oreilles. À cause de leurs habitudes migratoires, les Sarakolé sont généralement des gens fortunés. C’est pourquoi les maisons qu’ils construisent, notamment dans ACI 2000, sont très différentes des maisons de mon quartier.

Les villas qu’on y construit s’inspirent des maisons bâties autrefois par et pour les colons français. Le style néo-soudanais est très présent dans les décorations en béton qui ornent les façades. Contrairement aux maisons africaines traditionnelles, séparées du monde extérieur par un simple mur et organisées autour d’une cour centrale, les maisons de style européen sont davantage tournées vers l’extérieur. Alors que les premières favorisent une vie commune à l’abri des regards, les secondes cherchent à se mettre en évidence. Toutefois, il est intéressant de constater que les Maliens, même quand ils habitent des villas, ne perdent pas nécessairement toutes leurs habitudes, et continuent de faire la cuisine, la vaisselle ou la lessive dans la cour, et mangent autour d’un plat posé par terre ou sur la table du salon. D’ailleurs, c’est seulement dans les maisons de toubabs que j’ai vu des cuisines telles qu’on les connaît au Canada et en France, avec comptoir, table et chaises... Comme quoi il y a de ces habitudes qu’il est agréable de conserver… j’imagine…

Source : http://users.swing.be/geoffroy.magnan/mali/4Vernac.htm#Bamako

J'ai vu hier au centre-ville...

... un homme qui avait relevé son boubou pour faire pipi, non pas face au mur, mais bien dos au mur, face au rond-point, face à la circulation, face aux gens pris dans les embouteillages, en plein heure de pointe, 17h... Vous vous demandez si... Eh! bin oui, j'ai tout vu ! La pudeur ? C'est quoi ça ?...

jeudi, février 01, 2007

L’hiver est fini !

Ce que les Maliens appellent le « temps de la fraîcheur », l’hiver malien en quelque sorte, est bel et bien terminé. Depuis une semaine ou deux, le mercure monte le jour au-dessus de 35 degrés Celsius, le vent est presque tombé, l'humidité augmente, et le temps rappelle de plus en plus la canicule... Sauf qu’ici, c’est plutôt normal, et on ne cesse de me répéter que je n’ai encore rien vu !

En tous cas, il est difficile de croire qu’il y a à peine un mois, un chandail de laine n’était pas suffisant pour me protéger du froid de la nuit. Désormais, les ventilos ont recommencé à tourner dans la maison et je suis déchirée entre

  • l’option 1 : ouvrir la fenêtre de ma chambre la nuit, pour laisser entrer la fraîcheur… et la poussière ;
  • et l’option 2 : garder la fenêtre fermée et endurer la chaleur en attendant que le sommeil ne me prenne et m'emmène dans les bras de Morphée.

En fait, j’ai recommencé à transpirer même en dormant, et mes vêtements canadiens, qui absorbent l’humidité en un tour de main, mais mettent des heures à s’en débarrasser, ne sont plus tellement adaptés au climat malien. Depuis quelques jours, donc, je cours chez les tailleurs, question d’avoir quelques habits confortables à porter, davantage adaptés aux grandes chaleurs !

La météo de Bamako ici !